Comment l'Eglise catholique est devenue propriétaire des îles Actéon

Ce n'est pas une bombe thermonucléaire qui secoue aujourd'hui le petit atoll de Tureia, mais presque ! Ses habitants, légitimes héritiers de petits atolls inoccupés mais cultivés, ont appris que l'Eglise catholique avait obtenu des titres de propriété sur le groupe des îles Actéon. Ils contestent.

L’usucapion : retenez bien ce mot car vous allez l’entendre souvent dans les semaines à venir. Il s’agit d’une prescription qui vous permet à l’issue de 30 ans d’occupation et de mise en valeur d’obtenir le titre de propriété d’un bien qui appartenait à d’autres.

C’est ainsi que le camica (le conseil d’administration de la mission catholique de Tahiti) a obtenu les titres de propriété de 7 atolls des Tuamotu de l’Est sans que les propriétaires légitimes ne soient prévenus.

Embarras

 

Astrid Brander Hoffman, propriétaire terrienne et habitante de Tureia, déclare qu'"on est au courant depuis peu, depuis 1 mois, par l'intermédiaire d'un fonctionnaire de la DAF et du tavana hau. Avant ça, on ne savait pas." Elle ajoute que "l'autorité du camica, avec une dizaine de personnes, ont débarqué chez un notaire de la place et ont attesté que le camica avait habité, planté ces îles-là pendant 30 ans, ce qui est complètement faux !".

Ce qui la révolte le plus est que "dans certaines îles, ils ont peur de contester le camica car c'est contester Dieu. C'est complètement faux ! Ces terres leur appartiennent de droit, elles n'appartiennent pas à l'Eglise".

Photo d'illustration.

L’affaire embarrasse tout le monde. D’abord l’église bien sûr. Et le Père Auméran en tout premier lieu qui s’occupe des affaires de terre de l’Eglise. Contacté par téléphone, il demande de répondre à tête reposée. Et avance un argument : oui l’Eglise catholique est désormais propriétaire de ces 7 îles, mais c’est pour le bien de la communauté.

"En catimini"

 

Du côté du gouvernement : silence pour l’instant. Le président du Pays a été alerté par la représentante du Tavini, Eliane Tevahitua, qui s’insurge contre ce qu’elle considère comme une spoliation : "quand j'ai appris la nouvelle de l'usucapion, j'ai presque envie de dire que ça s'est fait en catimini sans que les Paumotu ne soient au courant. Cela m'a énormément choquée."

La représentante précise que "leurs droits sur ces terres-là sont des droits légitimes. Faut-il rappeler que c'est pendant des siècles que les ancêtres des Paumotu actuels sont allés sur ces motu, même s'ils n'y habitaient pas de façon permanente, mais ils y allaient pour y vivre. C'est un peu comme un rahui, ils y vont de temps en temps."

Les atolls concernés ont en effet, durant ces trente ans, été mis en valeur et exploités par le biais du camica. Mais les travailleurs qui venaient y récolter le coprah étaient persuadés qu’ils étaient toujours propriétaires de ces terres qui appartenaient à leurs ancêtres bien avant que les missionnaires de l’Eglise catholique n’arrivent en Polynésie.