La Direction Enfance, Famille Jeunesse du Conseil départemental de la Guadeloupe organisait son séminaire annuel, les lundi 24 et mardi 25 juin 2024, au sein du campus de Fouillole (Université des Antilles). Ce rendez-vous, qui rassemble des professionnels de la santé, des travailleurs sociaux, des représentants des associations des familles et des institutions (Agence Régionale de Santé, Caisse Générale de Sécurité Sociale...), avait pour thème "L’accès aux soins de toutes les familles". Il s’agit, pour ces partenaires, de se concerter, dans le but d’élaborer des stratégies visant à améliorer l'accès aux soins pour l’ensemble des familles du territoire.
En France, l’accès aux soins est un droit universel, sans condition d’origine, ni financière. Des dispositifs existent pour prendre en charge les personnes défavorisées, isolées, précaires ou au chômage : citons par exemple la couverture médicale universelle (CMU), ou encore l’aide médicale d’Etat (AME).
Pourtant, nombre de familles Guadeloupéennes ne font pas les démarches pour obtenir une couverture sociale, ont déploré les participants au séminaire.
En chiffres, 8% des Guadeloupéens sont sans couverture sociale (contre 1% dans l’Hexagone) et 11% renoncent à des soins médicaux pour des raisons financières (contre 3% outre-Atlantique).
Un difficile accès aux soins
Comment expliquer de telles données, en Guadeloupe, en 2024 ?
Les difficultés ne se situent pas particulièrement sur les plans réglementaire et juridique, selon la Directrice Enfance Famille Jeunesse, c’est sur l’aspect opérationnel que le bât blesse.
Les freins à l’accès aux soins sont notamment imputables à l’illettrisme : les personnes ne savent pas remplir un dossier, elles n’ont pas accès à internet et aux démarches dématérialisées. Dans cette situation, leur parcours sanitaire est forcément plus compliqué.
On a, en théorie, accès à l’aide médicale d’Etat, à la CMU, à la complémentaire universelle... pour autant, dans la pratique, beaucoup de famille ne savent pas remplir les dossiers, ne parlent pas français, n’ont pas les moyens de récupérer et de déposer un dossier, même physiquement, à la Sécurité Sociale, certains n’ont pas d’adresse fixe et ne reçoivent pas les courriers. Ce sont des difficultés très opérationnelles, très concrètes qui, aujourd’hui, limitent grandement l’accès aux droits.
Lucie Tetahiotupa, directrice Enfance Famille Jeunesse au Conseil Départemental
La Protection Maternelle et Infantile (PMI) est la structure la plus accessible aux familles dans le besoin. Elle fête d’ailleurs ses 50 ans, en Guadeloupe, cette année. Les familles en difficulté ont tout intérêt à se tourner vers elle, pour l’accès aux soins.
On intervient dans les Centres locaux d’actions sanitaires et sociales (CLASS), qui sont dans chaque commune, avec des médecins, des sages-femmes, des infirmiers, des éducateurs de jeunes enfants, pour accompagner les familles guadeloupéennes. On déploie cette politique publique sur tout le territoire, pour toutes les familles, sans condition de ressources ; c’est un service qui est absolument gratuit, accessible à tous, universel.
Lucie Tetahiotupa, directrice Enfance Famille Jeunesse au Conseil Départemental
Un parcours spécifique pensé pour les patients défavorisés
Comment améliorer le parcours de soins des personnes en difficulté ? C’est l’un des axes de travail du séminaire.
En France, on ne laisse personne sur le bord de la route. Cela veut dire qu’une personne qui arrive aux urgences, avec une pathologie, on la prend en charge. Nous sommes des médecins, on se posera la question de la couverture après (...). Mais, quand on la laisse partir trop tôt, malheureusement, il y a une rupture de prise en charge, parce que cette personne n’a pas forcément l’argent pour acheter les médicaments.
Pr Eustase Janky, professeur de médecine en gynécologie obstétrique au CHU de la Guadeloupe
D’où la nécessité de penser et mettre en œuvre un parcours spécifique répondant aux besoins de ce public, à savoir une prise en charge continue, avec des services compétents.
Le professeur Eustase Janky prône le développement d’un circuit spécifique, en faveur des personnes défavorisées, au sein du système hospitalier : la Permanence d’Accès aux Soins de Santé, la PASS. Celle-ci, qui existe et a fait ses preuves depuis 2007 à Basse-Terre, est en vigueur depuis le 3 juin dernier au Centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe (CHUG).
Cette structure va accueillir les personnes, pas forcément déjà hospitalisées, mais qui sont en demande de soins. Des personnes qui seront confiées aussi par des structures libérales (médecins traitants, PMI...), mais aussi des collègues des différents services et des urgences de l’hôpital.
Pr Eustase Janky, professeur de médecine en gynécologie obstétrique au CHU de la Guadeloupe
Les dossiers seront alors constitués, pour être étudiés et évalués par une assistante sociale, puis proposés à l’équipe de la PASS. Après acceptation, le patient a alors accès à une procédure l’inscrivant directement sur la plateforme de la Sécurité Sociale, afin d’éviter tout retard, voire un oubli de prise en charge.