Accidents de la route : autopsie d’une série noire

Comment faire baisser le nombre d’accidents, en Guadeloupe ? Pourquoi, malgré les messages de prévention et les actions répressives, les victimes se comptent, encore cette année, par centaines. Deux victimes prennent la parole, pour dire leurs souffrances ; des paroles qui, peut-être, vont résonner dans l’esprit des usagers de la route.

Les sirènes d’ambulance retentissent régulièrement dans le petit archipel guadeloupéen ; celles des secours appelés à intervenir sur des accidents de la route. Chaque jour, dans les embouteillages, de plus en plus fréquents, les usagers patientent, en se demandant qui est concerné, cette fois. Plus de 2600 accidents sont à déplorer, depuis le début de l’année 2022.

Hécatombe

Sur les lieux, les pompiers et les médecins d’urgence trouvent de la tôle froissée, certes, mais surtout des corps mutilés, "comme une scène de guerre" témoigne l’adjudant-chef Thierry Vadimon, chargé de mission sécurité routière au Service départemental d’incendie et de secours (SDIS).
Cette année, il y a déjà eu plus de 500 blessés et 43 morts, sur les axes routiers du territoire. Des nombres lourds de sens, synonymes de peine et de deuil, qui s’égrainent inlassablement, à cause de comportements inciviles, dangereux, voire irresponsables.
Le psychologue Raphaël Spéronel parle de "l’énormité de la prise de risque, par rapport aux conséquences" et "d’équivalent suicide".

Une question se pose aujourd’hui, alors que des actions de sensibilisation, de prévention et de répression sont régulièrement menées, à l’initiative des associations, des autorités et des forces de l’ordre : comment stopper l'hémorragie ?
Le fait est que les messages de bon sens peinent à passer auprès de l’ensemble des usagers. "Les élèves préfèrent passer leur permit le plus rapidement possible, en dépensant le moins d’argent ; mais très peu pensent d’abord formation et sécurité routière", explique Stéphane Kancel, moniteur et responsable d'une auto-école.

Dans le reportage ci-dessus, Ludivine Guiolet-Oulac et Daniel Querin ont tenté de comprendre pourquoi on ne parvient pas à enrayer ce phénomène, localement. Une chose est sûre, cette problématique est l’affaire de tous.

Des vies brisées

Mais les accidents routiers ne touchent pas que les personnes qui prennent des risques. Tout le monde peut être impacté : le piéton qui traverse la rue, le motard à qui on vole la priorité, le passager dont le chauffeur transgresse les règles, l’enfant, la mère, le grand-père, le riche et le pauvre.

C’est ainsi que la vie de Lhaïda, 3 ans, a été fauchée, le 16 juillet 2018, à Capesterre-Belle-Eau. Celle de sa grande sœur de 16 ans, Kively, amputée de la jambe gauche, a basculé. Le chauffard qui les a renversées avait bu plus qu’autorisé.

Quand je me suis réveillée, je me suis mise à pleurer, à crier. Je me lève et je n’ai plus ma jambe.

Kively Bélair, victime d’un accident

De son côté, le passionné de moto, Sémar Andy, souffre depuis 34 ans, après avoir été percuté par un automobiliste soul, lui aussi, le 9 août 1988.

34 ans après, je me retrouve toujours handicapé. Elle est un peu tordue, cette jambe. J’ai toujours très mal. J’ai un poignet qui est bloqué.

Sémar Andy, victime d'un accident de la route

Des témoignages poignants, recueillis par Florence Peroumal et Lydia Quérin, que nous vous proposons pour alerter l’opinion sur des comportements qui peuvent être fatals, ou aux conséquences désastreuses pour de nombreuses personnes.