Si vous êtes fans de Bob Marley, ce film ne vous apprendra pas grand-chose. Pas de révélations et One Love ne revient pas sur toute la vie de l’artiste. ‘’One Love’’ c’est le film d’un album, d’une époque d’un peu plus de 2 ans de la vie du Jamaïcain.
Après le remarquable documentaire Marley de Kevin Macdonald sorti en 2012, qui bénéficiait des précieuses archives familiales du clan Marley, pour ce projet dans les cartons depuis des décennies, c’est Reinaldo Marcus Green, réalisateur de La Méthode Williams sur les joueuses de tennis Venus et Serena Williams, que la famille de l’artiste a finalement choisi pour faire le film. Ziggy Marley, le fils aîné, endosse le rôle de producteur et la famille, qui fait habilement fructifier l'héritage, veille une fois encore au grain.
Cette fois on est plongé dans une Jamaïque que l’on quitte rapidement pour suivre le personnage principal à Londres et en tournée en Europe.
Le parti pris du réalisateur est celui de raconter Bob, ces aspirations, ces espoirs et sa complexité. Car l’homme était habité… en proie à des démons liés à son métissage et son envie de paix pour la Jamaïque alors traversée par la violence.
Le plus gros atout du film : les chansons de Marley
Bob Marley c’est avant tout la musique et pour le coup, ce film rend un vibrant hommage à ses chansons. On entend dans ce biopic de très nombreux tubes de Marley et ses Wailers, ces inusables hymnes et autres brûlots tels que Get Up, Stand Up, Exodus et One Love, restés d’une insolente fraîcheur. Elles sont partout, traduites pour en comprendre l’essence comme un compagnon qui tient la main du spectateur.
Il s’agit bien de sa voix lors des scènes de concert, et quelques séquences de composition en studio, où l’on sent l’ivresse de la création, sont plutôt réussies.
L’acteur qui incarne Bob Marley c’est Kingsley Ben-Adir. La ressemblance est là mais l’acteur n’est pas toujours crédible en Bob qui lui a grandit dans un ghetto jamaïcain à Trench Town. Ben-Adir fait un peu propre sur lui et l’anglais jamaïcain n’est clairement pas une évidence pour lui. Pour le charismatique et complexe Robert Nesta Marley, il fallait une présence magnétique qui se passe de mots, capable de jouer l’exaltation comme l’introspection, le révolutionnaire comme le romantique. Bref, un acteur à même d'incarner la puissance combative en laissant affleurer une vulnérabilité quasi sacrificielle. On ne doute pas que Kingsley Ben-Adir ait étudié minutieusement la gestuelle et l’élocution du chanteur, mais ça ne prend pas, il reste en surface, on n’y croit pas. Et ce d’autant plus que l’actrice britannique Lashana Lynch, qui lui donne la réplique en Rita Marley, est, elle, tout à fait convaincante, à la fois intense et tout en retenue, compassion et colère rentrées. Elle incarne une Rita Marley, forte et guerrière aux côtés de Bob. Le film est une percée dans l’intimité du chanteur et de ses valeurs rasta. Paix unité et Amour. Comme un rappel musical qui malgrès tout fait du bien au cœur.
Un déplorable lissage
Ensuite, le scénario et la mise en scène sont désespérément plan-plan, bien trop lisses pour être captivants. Il y a pourtant du drame et de l'action dans la vie de Marley, avec une tentative d’assassinat dont il réchappe par miracle avec sa femme fin 1976, puis avec la découverte d'un cancer qui l'emportera.
Mais rien n'y fait. Les aspérités du personnage sont gommées, les tentatives de creuser les fragilités et les motivations de l’homme derrière l’idole seulement esquissées. Quant aux zones d’ombre –compagnon notoirement volage, père peu présent pour sa nombreuse progéniture – elles sont rayées de la carte (une scène de ménage orageuse en donne un aperçu, mais on n’entend par exemple jamais parler de sa liaison avec Cindy Breakspeare, qui lui a donné un fils, Damian Marley, né en 1978). Et c’est tout juste si l’on voit passer quelques joints de ganja, qu’il fumait pourtant abondamment.
"Bob Marley pour les nuls"
Sans doute pour donner rythme et dynamisme au scénario, le récit est émaillé de visions et de flash-back désordonnés, qui renvoient notamment à ce père blanc qu’il n’a pas connu et ne voulait pas de lui, et à sa découverte du rastafarisme (religion née en Jamaïque dans les années 1930), qui imprègne tout son répertoire. Mais ces séquences manquent de clarté et n’ajoutent que confusion à ce film dénué de souffle que l’on pourrait qualifier sans méchanceté de "Bob Marley pour les nuls".
Et pourquoi pas ? Sauf que quand tant d’autres biopics et documentaires actuels sur des personnalités s’échinent à rendre captivantes des vies somme toute banales, celui-ci réussit le tour de force de faire tout le contraire : aplatir et lisser celle d’un artiste complexe, inspiré et inspirant, au parcours remarquable. Celui d’un musicien jamaïcain parti de rien avec une ambition personnelle, parvenu au sommet malgré les embûches avec un dessein humaniste unitaire de portée planétaire. "Ma musique est là pour toujours", disait Marley. On ne peut pas en dire autant de ce biopic dispensable.
La fiche
Genre : Biopic, Drame, Musical
Réalisateur : Reinaldo Marcus Green
Acteurs : Kinglsey Ben-Adir, Lashana Lynch, James Norton
Pays : États-Unis
Durée : 1h47
Sortie : 14 février 2024
Distributeur : Paramount Pictures France
Synopsis : Bob Marley: One Love célèbre la vie et la musique de l’icône de reggae, sa résilience face à l’adversité, le chemin qui l’a mené à sa musique révolutionnaire, qui a inspiré des générations à travers son message d'amour et d'unité.