Y aura-t-il encore du sable, pour que nos arrière-petits-enfants puissent s’étendre sur les plages de Guadeloupe ? La question se pose car celui-ci s’en va, progressivement, sur un tiers de nos sites de baignade en bord de mer…
Entretien « Alerte Guadeloupe », avec Manuel MOISAN, ingénieur, chef de projet littoral au BRGM Guadeloupe (Bureau de recherches géologiques et minières) :
Alerte Guadeloupe : Est-ce que le phénomène d’érosion du littoral fait partie de la famille des mouvements de terrain ?
Manuel MOISAN : Dans certains cas, il peut être assimilé à la famille des mouvements de terrain. La différence que l’on peut faire est que, dans le cas de l’érosion du littoral, on est sur des phénomènes qui entraînent une perte de sédiments liée à la mer et à l’action de la houle.
La dynamique des plages est complexe. Elle fait intervenir plusieurs facteurs et plusieurs processus. Parmi eux :
- l’augmentation du niveau moyen de la mer, qui peut générer un recul ;
- la fréquence et l’intensité des phénomènes extrêmes, avec de fortes houles ;
- les interventions humaines, qui peuvent bloquer le transit des sédiments, sur une partie du littoral, en entravant les courants ;
Autre question liée à l’actualité : les échouages de sargasses sont à prendre en compte dans la gestion du littoral. Les techniques employées pour le retrait de ces algues – à l’aide de moyens mécaniques – aggravent la problématique d’érosion, puisqu’elles prélèvent aussi le sable.
A.G. : En quoi est-ce que ce phénomène d’érosion constitue un risque pour les populations ?
M.M. : La perte de sédiments, qui se traduit par un recul du littoral, peut entraîner une déstabilisation des fondations des infrastructures et l’effondrement des bâtiments.
A.G. : Comment évaluez-vous cette érosion ?
M.M. : L’érosion du littoral entraîne un recul du trait de côte. C’est ce dernier que l’on observe. Le « trait de côte » permet de définir une limite entre les parties terrestre et marine. On va utiliser plusieurs indicateurs, notamment :
- la limite de végétation, qui nous permet de caractériser l’évolution du littoral, sur le long terme, à partir de photos aériennes, par exemple ;
- on peut aussi utiliser la limite entre l’eau et le sable, qui permet de caractériser des variations, à court terme, des stocks sédimentaires.
Nous, BRGM, nous effectuons des suivis réguliers sur certains sites et nous réalisons des études pour améliorer les connaissances de ces processus naturels, qui nous permettent de fournir des éléments d’aide à la décision, auprès des services de l’Etat, ou des collectivités. Il leur appartient d’en tenir compte, notamment dans l’aménagement du territoire et la planification des activités.
A.G. : Quelles sont les zones touchées ?
M.M. : Les plages constituées de sable ou de galets représentent environ 20% du linéaire côtier, en Guadeloupe, outre les falaises, les côtes basses rocheuses et les zones de mangrove. Sur l’ensemble des plages, près d’un tiers est concerné par l’érosion. La moitié est dans une situation de stabilité relative et les autres, à l’inverse, subissent une avancée. Cette érosion est particulièrement significative sur les sites de la côte Sud de la Grande-Terre, notamment sur la plage des Salines, à Saint-Félix, celles de la commune de Sainte-Anne, ou encore aux Raisins Clairs. Cependant, en cas de forte houle, suite au passage d’un cyclone par exemple, toutes les plages de la Guadeloupe sont exposées à l’érosion.
A.G. : Existe-t-il des moyens de ralentir l’érosion du littoral ?
M.M. : Les moyens de gestion sont multiples. On peut considérer trois solutions types :
- il est possible de protéger le littoral, pour le fixer, avec des ouvrages en dur, tels que des enrochements, par exemple, mais cette solution comporte généralement des limites et des effets néfastes pour l’équilibre sédimentaire des plages ;
- une option plus douce consiste à s’appuyer sur les processus naturels, en effectuant des opérations de rechargement artificiel en sable ou en favorisant le développement de la végétation sur le haut de plage, par exemple ;
- on peut enfin, dans certains cas, envisager la relocalisation des biens et des personnes exposées, afin de les soustraire à l'aléa.
En Guadeloupe, une liane est très présente sur les plages : la « patate bord de mer ». C’est une ipomée, une liane rampante, qui se développe naturellement sur le haut de plage. Elle permet justement de minimiser le départ du sable sous l’action de la houle.
Configuration :
Visite de terrain, sur la plage des « Raisins Clairs », à Saint-François, en compagnie de Manuel MOISAN, ingénieur, chef de projet littoral au BRGM Guadeloupe (Bureau de recherches géologiques et minières) :
Le cimetière... décharné :
Depuis plusieurs années, des ossements sont régulièrement découverts sur la plage des « Raisins Clairs », à Saint-François. Ils proviennent d’un cimetière d’esclaves mis à nu, puis progressivement rongé, alors que l’érosion du littoral prend de l’ampleur.
En 2015, des citoyens s’étaient soulevés pour réclamer des mesures de sauvegarde de ce lieu de sépultures.
Ils avaient, à l’époque, obtenu satisfaction, mais le phénomène de désensablement, inexorablement, se poursuit.
Marine BASTAREAU a cherché à savoir ce qui peut encore être entrepris, auprès d’Yves DESJARDIN, adjoint au maire de Saint-François. Interview :
Alerte Guadeloupe : Est-ce que le phénomène d’érosion du littoral fait partie de la famille des mouvements de terrain ?
Manuel MOISAN : Dans certains cas, il peut être assimilé à la famille des mouvements de terrain. La différence que l’on peut faire est que, dans le cas de l’érosion du littoral, on est sur des phénomènes qui entraînent une perte de sédiments liée à la mer et à l’action de la houle.
La dynamique des plages est complexe. Elle fait intervenir plusieurs facteurs et plusieurs processus. Parmi eux :
- l’augmentation du niveau moyen de la mer, qui peut générer un recul ;
- la fréquence et l’intensité des phénomènes extrêmes, avec de fortes houles ;
- les interventions humaines, qui peuvent bloquer le transit des sédiments, sur une partie du littoral, en entravant les courants ;
Autre question liée à l’actualité : les échouages de sargasses sont à prendre en compte dans la gestion du littoral. Les techniques employées pour le retrait de ces algues – à l’aide de moyens mécaniques – aggravent la problématique d’érosion, puisqu’elles prélèvent aussi le sable.
A.G. : En quoi est-ce que ce phénomène d’érosion constitue un risque pour les populations ?
M.M. : La perte de sédiments, qui se traduit par un recul du littoral, peut entraîner une déstabilisation des fondations des infrastructures et l’effondrement des bâtiments.
A.G. : Comment évaluez-vous cette érosion ?
M.M. : L’érosion du littoral entraîne un recul du trait de côte. C’est ce dernier que l’on observe. Le « trait de côte » permet de définir une limite entre les parties terrestre et marine. On va utiliser plusieurs indicateurs, notamment :
- la limite de végétation, qui nous permet de caractériser l’évolution du littoral, sur le long terme, à partir de photos aériennes, par exemple ;
- on peut aussi utiliser la limite entre l’eau et le sable, qui permet de caractériser des variations, à court terme, des stocks sédimentaires.
Nous, BRGM, nous effectuons des suivis réguliers sur certains sites et nous réalisons des études pour améliorer les connaissances de ces processus naturels, qui nous permettent de fournir des éléments d’aide à la décision, auprès des services de l’Etat, ou des collectivités. Il leur appartient d’en tenir compte, notamment dans l’aménagement du territoire et la planification des activités.
A.G. : Quelles sont les zones touchées ?
M.M. : Les plages constituées de sable ou de galets représentent environ 20% du linéaire côtier, en Guadeloupe, outre les falaises, les côtes basses rocheuses et les zones de mangrove. Sur l’ensemble des plages, près d’un tiers est concerné par l’érosion. La moitié est dans une situation de stabilité relative et les autres, à l’inverse, subissent une avancée. Cette érosion est particulièrement significative sur les sites de la côte Sud de la Grande-Terre, notamment sur la plage des Salines, à Saint-Félix, celles de la commune de Sainte-Anne, ou encore aux Raisins Clairs. Cependant, en cas de forte houle, suite au passage d’un cyclone par exemple, toutes les plages de la Guadeloupe sont exposées à l’érosion.
A.G. : Existe-t-il des moyens de ralentir l’érosion du littoral ?
M.M. : Les moyens de gestion sont multiples. On peut considérer trois solutions types :
- il est possible de protéger le littoral, pour le fixer, avec des ouvrages en dur, tels que des enrochements, par exemple, mais cette solution comporte généralement des limites et des effets néfastes pour l’équilibre sédimentaire des plages ;
- une option plus douce consiste à s’appuyer sur les processus naturels, en effectuant des opérations de rechargement artificiel en sable ou en favorisant le développement de la végétation sur le haut de plage, par exemple ;
- on peut enfin, dans certains cas, envisager la relocalisation des biens et des personnes exposées, afin de les soustraire à l'aléa.
En Guadeloupe, une liane est très présente sur les plages : la « patate bord de mer ». C’est une ipomée, une liane rampante, qui se développe naturellement sur le haut de plage. Elle permet justement de minimiser le départ du sable sous l’action de la houle.
LE CAS PARTICULIER DE LA PLAGE DES « RAISINS CLAIRS », A SAINT-FRANÇOIS
Configuration :
Visite de terrain, sur la plage des « Raisins Clairs », à Saint-François, en compagnie de Manuel MOISAN, ingénieur, chef de projet littoral au BRGM Guadeloupe (Bureau de recherches géologiques et minières) :
Le cimetière... décharné :
Depuis plusieurs années, des ossements sont régulièrement découverts sur la plage des « Raisins Clairs », à Saint-François. Ils proviennent d’un cimetière d’esclaves mis à nu, puis progressivement rongé, alors que l’érosion du littoral prend de l’ampleur.
En 2015, des citoyens s’étaient soulevés pour réclamer des mesures de sauvegarde de ce lieu de sépultures.
Ils avaient, à l’époque, obtenu satisfaction, mais le phénomène de désensablement, inexorablement, se poursuit.
Marine BASTAREAU a cherché à savoir ce qui peut encore être entrepris, auprès d’Yves DESJARDIN, adjoint au maire de Saint-François. Interview :
Yves DESJARDIN, adjoint au maire de Saint-François