Alain Denys, 61 ans, est agent au service de sauvetage et de lutte contre les incendies des aéronefs. Dis plus simplement, Alain Denys est pompier à l’aéroport "Guadeloupe - Pôle Caraïbes" ; ce, depuis 24 ans. Aujourd’hui, il est sur le point de perdre son emploi. La Chambre de commerce et d’industrie des îles de Guadeloupe (CCI IG) a décidé de supprimer son poste, jugé inutile.
C’est une aberration pour moi. Parce que la CCI décide de supprimer les postes, alors que nous ne les avons jamais quittés. Nous sommes restés dans ces postes depuis 2014, les mêmes postes, l’ensemble des agents et, aujourd’hui, nous constatons que la Chambre veut supprimer des postes, alors que la mise à disposition dit que les agents doivent retourner à leur poste initial, s’il refuse de signer un contrat avec la Société utilisatrice.
Alain Denys, agent SSLIA Pôle Caraïbe
L’histoire d’Alain Denys démarre le 19 décembre 2014. Ce jour-là, la CCI IG cède la concession de l’aéroport, qu’elle gérait depuis 1960 au profit de la Société aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes (SA GPC), une société de droit privé, dont l’actionnaire principal est l’Etat avec 60% du capital.
Le changement de statut vaut également pour les 194 agents en poste à l’époque. 6 ont alors choisi de quitter définitivement les effectifs. 16 agents de droit privé ont été transférés de plein droit à la nouvelle structure. Reste les 172 agents publics à qui Colette Koury, la présidente de la CCI de l’époque, va proposer le choix suivant :
Vous êtes mis à disposition de la SA GPC à compter du 30 septembre 2014 pour une durée de 10 ans maximum. Durant la durée de votre mise à disposition, votre employeur demeure la CCI IG.
Lettre adressée aux salariés mis à disposition datée du 19 décembre 2014
Mary-Félix Boyer est technicien de maintenance à Pôle Caraïbes depuis près de 30 ans. En 2014, il avait fait le choix d’être un MAD, un "mis à disposition". Il n’est pas contre le fait d’intégrer la SA GPC, mais pas à n’importe quelles conditions.
Au départ, j’avais certaines interrogations. Comme on avait 10 ans pour opter, donc j’ai pris mon temps et, de fil en aiguille, plus les années passaient, j’ai constaté que j’avais encore plus d’interrogations, des éléments contradictoires, des courriers contradictoires d’ordre juridique. Donc, ça m’a rendu un petit peu suspicieux et j’ai préféré attendre (...)
Mary-Félix Boyer, technicien de maintenance à Pôle Caraïbes
D’autres agents vont intégrer la SA GPC. Une intégration qui va se faire progressivement.
Aujourd’hui, il ne reste que 32 MAD.
Le courrier de Colette Koury prévoyait également la fin de la mise à disposition :
Votre mise à disposition prendra fin au terme des 10 ans, le 29 septembre 2024 – minuit, soit par la signature d’un contrat de travail avec la SA GPC, soit par l’exercice du droit de réintégration au sein de la CCI IG.
Lettre adressée aux salariés mis à disposition datée du 19 décembre 20214
Les 10 ans sont presque écoulés. Les employés mis à disposition ont jusqu’au 12 août prochain, à minuit, pour faire un choix.
La direction de l’aéroport espère toujours réussir à les convaincre de rejoindre la SA GPC :
Tous les salariés qui vont faire le choix de la SA GPC sont les bienvenus à l’aéroport, puisqu’on a besoin d’eux et c’est là qu’il y a leur métier et leur carrière.
Alain Bièvre, président du directoire de la SA GPC
Betty Désirée est agente d’accueil à l’aéroport depuis plus de 20 ans. Elle est aussi membre du Comité économique et social de la CCI IG. Elle reste méfiante quant au choix qui est proposé, d’autant que les informations restent floues, de son point de vue.
Rien n’est clair, d’autant plus que personnellement j’ai subi un acharnement sans précédent pour me projeter vers la société aéroportuaire, alors qu’il n’y avait aucun élément pour permettre cela (...)
Betty Désirée, agente accueil information à Pôle Caraïbes
La Chambre de Commerce et d’Industrie des îles de Guadeloupe, elle, a déjà pris position de manière radicale, comme l’explique cette note d’information présentée le 29 février dernier, lors du Comité social et économique :
La CCI IG n’exploitant plus la plateforme aéroportuaire, elle ne peut conserver les postes occupés par ces agents. De fait, la CCI IG est contrainte de supprimer les postes concernés, dans la mesure où ils n’ont aucune effectivité dans son fonctionnement interne.
Extrait du compte-rendu du CSE de la CCI IG du 29 février 2024.
Contacté, Patrick Vial Collet, le président de la CCI-IG, n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.
C’est donc une affaire à suivre, d’autant plus qu’il y a un angle mort dans cette histoire, un point que les différentes parties rechignent à aborder : s’il y a licenciement, il y aura, comme le prévoit la loi, des indemnités. On parle d’une somme totale de plusieurs millions d’euros. Une somme qui sera à la charge de la SA GPC.