Une étude inédite publiée le 30 octobre dernier, issue des recherches des sociologues Mathieu Ichou et Ugo Palheta révèle des écarts de salaires significatifs entre les descendants d’immigrés d'Afrique subsaharienne, du Maghreb, ou de natifs d'outre-mer, et les autres Français, à caractéristiques équivalentes.
Pour arriver à ces conclusions, ce sont 14 années de données de l'Insee qui ont été collectées auprès d'un échantillon de 260 000 salariés.
Selon l'étude, à diplôme, âge et autres facteurs sociodémographiques similaires, les descendants d'immigrés subsahariens gagnent en moyenne 400 euros de moins par mois que les natifs. Les écarts s’élèvent à 328 euros pour ceux d’origine ultramarine et 186 euros pour ceux du Maghreb.
Une ségrégation professionnelle
Des chiffres qui s'expliquent par plusieurs facteurs, selon l'étude qui établit que les descendants d’immigrés africains et les natifs d'outre-mer sont souvent confrontés à des obstacles dès leur entrée sur le marché du travail. Des difficultés qui les contraignent parfois à accepter des emplois peu rémunérés, voire sous-qualifiés, avec comme conséquence, des inégalités salariales tout au long de leur carrière.
De plus, la ségrégation professionnelle — le fait que les membres de certaines minorités soient surreprésentés dans des secteurs ou des postes moins rémunérateurs — joue sans doute également un rôle.
Extrait de l'analyse portant sur "Salaires : les descendants d’immigrés africains et de parents nés outre-mer lourdement pénalisés"Observatoire des inégalités
Ces inégalités salariales se retrouvent chez les deux sexes, mais elles sont particulièrement marquées pour les hommes, qui voient leur rémunération nettement réduite par rapport à celle de leurs homologues hexagonaux.
L'étude indique également que les enfants issus de deux parents immigrés sont davantage désavantagés que ceux issus de couples mixtes (un parent immigré et un parent né en France).
Ce n’est qu’avec l’enquête "Trajectoires et Origines" de l'Institut national d'études démographiques et de l’Insee que des données ont été systématiquement recueillies pour analyser les inégalités entre enfants de natifs et enfants d’immigrés, en particulier à l’école et sur le marché du travail. Mais ces statistiques restreintes ne permettent pas encore de prendre pleinement en compte l’ensemble des discriminations subies par les minorités.
Des pistes de recherche pour avancer
Pour aller plus loin, les chercheurs recommandent d’étudier les revenus des travailleurs indépendants, ainsi que les inégalités de patrimoine, nettement plus conséquentes que celles des salaires. Une exploration de la situation des descendants de la troisième génération pourrait également éclairer la persistance des discriminations.
En révélant l’ampleur des inégalités salariales selon l’origine en France, cette étude suggère que le racisme ne se manifeste pas seulement sous la forme de préjugés ou d’idéologies, mais également à travers des inégalités très concrètes qui limitent l’accès aux ressources matérielles et pèsent sur la vie de celles et ceux qui en sont les victimes. Elle montre que les désavantages salariaux observés au détriment des enfants d’immigrés d’Afrique subsaharienne, des outre-mer et du Maghreb ne sont pas simplement le reflet de disparités socio-économiques, mais bien le résultat d’une forme de racisme et de discrimination sur le marché du travail qui s’articulent aux inégalités entre classes sociales.
Extrait de l'analyse portant sur "Salaires : les descendants d’immigrés africains et de parents nés outre-mer lourdement pénalisés"Observatoire des inégalités
Pour les chercheurs auteurs de cette étude, ces inégalités doivent être combattues non pas en mettant en place une "pédagogie abstraite en faveur de la tolérance et de l’égalité", mais nécessite des modifications plus profondes de la société et par conséquent du monde du travail.