Esclavage et colonisation : la demande de pardon du Pape François saluée en Guadeloupe comme un acte fort

Le Pape François, le 2 octobre 2024, au Vatican.
La demande de pardon formulée par le Pape François, le 1er octobre dernier, au nom de l'Eglise Catholique a suscité de nombreuses réactions en Guadeloupe. De Mgr Philippe Guiougou, l'évêque de Guadeloupe à différentes personnalités du monde politique ou associatif, tous s'accordent à saluer un acte fort susceptible de guérir les blessures toujours vives de ce sombre passé. L'occasion aussi, sans doute, de rétablir la confiance dans l'Eglise.

"La confession de la blessure commence par la confession du péché commis" a rappelé le Pape François lors de sa demande de pardon au nom de l'Eglise Catholique, en ouverture du synode consacré à l'avenir de l'Eglise, le 1er octobre dernier. Cette demande de pardon pour son rôle dans l'esclavage et de la colonisation donne une suite à celle exprimée le 22 février 1992 par le Pape Jean-Paul II, à Gorée au Sénégal. Une suite plus concrète puisqu'elle implique un peu plus l'Eglise dans le rôle qui a été le sien.

Cette période laisse apparaître une Eglise qui à la fois ne s'est pas toujours mise du côté de l'esclave, qui a pu être complice d’un système par son silence ou son absence de condamnation franche dans les colonies de l’époque, et qui peu à peu, a évolué dans ses positions. Cette ambivalence au fil de l’histoire est réelle.

Mgr Philippe Guiougou, évêque de Guadeloupe

Monseigneur Philippe Guiougou, évêque de Guadeloupe salue la demande de pardon du Pape François comme un acte fort

De la demande de pardon aux réparations

Par cette reconnaissance, l'Eglise accepte de relire sa propre histoire. Elle reconnaît aussi l'importance de son rôle dans l'institution de l'esclavage. Un acte salué par Luc Reinette le président du Comité International des Peuples Noirs (CIPN) qui estime que cette demande de pardon de l'Eglise doit aussi mener au chemin des réparations.

Luc Reinette, président du Comité International des Peuples Noirs (CIPN) ©François-Joseph Ousselin et Mickaël Bastide - Guadeloupe la 1ère

Un mouvement initié par l'Eglise anglicane dans la Caraïbe

D'ailleurs, cette demande de pardon fait suite à un mouvement depuis longtemps en cours dans la Caraïbe anglophone et qui a vu l'Eglise anglicane emprunter un tel chemin en 2020. Un chemin qui progressivement rend aux hommes et aux femmes mis en esclavage, à cause de leur couleur de peau, leur véritable identité humaine. Là encore, Julien Mérion, président du CO.RE.CA (Contact Recherche Caraïbe) salue cette avancée. 

Julien Merion, président du CO.RE.CA ©François-Joseph Ousselin et Mickaël Bastide - Guadeloupe la 1ère

Pour autant, l'Eglise se devra de faire aussi une telle relecture, en son sein même, où les descendants des acteurs de la servitude côtoient ceux des victimes de l'esclavage, sans toujours donner un tel sens à leurs gestes de paix rituels.

Instaurer un temps fort en mémoire de l'esclavage

Pour aller dans le sens tracé par le Pape François d'un chemin de guérison, de réconciliation et de concorde, Mgr Guiougou prône une Eglise qui dénonce "toute forme d'exploitation de l'homme par l'homme et qui a le devoir de faire mémoire de nos aïeux victimes de cette période sombre de notre histoire." Il suggère qu'un temps fort de dimension spirituelle, pourquoi pas œcuménique, puisse être envisagé en Guadeloupe chaque année, en plus des commémorations officielles de l'abolition de l'esclavage.

Un devoir de mémoire pour ces hommes et femmes afin de continuer à construire un monde où le rejet de l’autre recule et où un vivre ensemble grandi pour un bien commun.

Mgr Guiougou, évêque de Guadeloupe