Le préfet lance une procédure de révocation contre le maire de Pointe-à-Pître

Jacques Bangou avait été mis en garde par la Chambre Régionale des Comptes pour le déficit abyssal de sa ville, 78 millions d'euros pour Pointe-à-pitre. Une menace de révocation avait été évoquée à cette époque. Menace aujourd'hui effective puisque la procédure  a été lancée par le préfet.
L’information circulait dans les rédactions depuis plusieurs jours. Et c’est donc bien Jacques Bangou qui confirme qu’une procédure de révocation à été engagée à son encontre par le préfet.
Procédure qu’il dit ne pas comprendre. "Quelle faute grave aurais-je pu commettre" s’interroge le maire de Pointe à Pitre.
Selon des sources concordantes, cette procédure serait motivée par la situation financière catastrophique de la ville. Selon le dernier rapport de la Chambre régionale des Comptes, en 2018, le déficit de la ville est de 78 millions d’euros, auxquels il faut ajouter les 3 millions d’euros au titre de la Caisse des Écoles.
Cette procédure de révocation s’appuie sur l’article 2122-16 du code général des collectivités territoriales qui stipule que le maire et les adjoints peuvent être :
suspendus par un arrêté ministériel motivé pour une durée qui ne peut excéder un mois ou alors révoqués par décret pris en Conseil des ministres.
Dans le cas de Jacques Bangou, c’est donc la seconde option, la plus sévère, qui a été choisie.

Concrètement, que va-t-il se passer ?

La procédure repose sur le contradictoire. Jacques Bangou dispose donc d’un mois pour présenter ses arguments et réfuter ceux du préfet. Sa réponse sera ensuite étudiée par le Ministère de l’Intérieur qui décidera ou pas de poursuivre la procédure et donc de transférer le dossier devant le Conseil des Ministres, seul habilité à révoquer le maire ou ses adjoints.
La révocation, si elle est effective, ferait alors passer Jacques Bangou du statut de maire à celui de simple conseiller municipal, et ce pendant une durée d’un an. C’est son 1er adjoint qui assurerait l’intérim, à charge pour lui d’organiser, sous quinzaine, une nouvelle élection au sein du conseil municipal qui permettrait la désignation d’un nouveau maire.

Existe-t-il des précédents ?

Trois maires ont déjà fait l’objet d’une procédure de révocation.
Le plus connu est Gérard Dalongeville, maire de Hénin Beaumont dans le Pas de Calais. C’était le 28 mai 2009. Gérard Dalongeville avait été mis en examen pour détournements de fonds publics, faux en écriture et favoritisme.
Le 13 janvier 2011, Ahmed Souffou, maire de Koungou, à Mayotte, mis en examen pour aide au séjour, usage de faux et corruption
Enfin le 22 août 2013, Jean Paul Jean-Paul Goudou, maire de Saint Privat dans l’Hérault, condamné pour faux, usage de faux et escroquerie. 
Plus près de nous,trois élus ont déjà fait l’objet d’une mise en garde. Louis Molinié, Lucette Michaux Chevry et Jacques Bangou. Le premier a été condamné par la Justice et rendu inéligible, la deuxième a démissionné,  pour le troisième, la procédure est désormais lancée.
La Réaction de Jacques Bangou, maire de Pointe-à-Pître

Jacques Bangou, maire de Pointe-à-Pître

Réactions de l'opposition pointoise :

Claude Barfleur, Harry Durimel et Alain Sorèze


 Cette décision du Préfet fait réagir la classe politique guadeloupéenne.
Pour Josette Borel-Lincertin : "Une telle décision n’aurait jamais été prise contre un maire ou un président d’EPCI proche du Gouvernement, quand bien même sa commune ou son intercommunalité connaîtrait des difficultés financières graves et récurrentes, comme c’est pourtant le cas en Guadeloupe et ailleurs sur le territoire national " Et de s'interroger : " Qui peut croire que la période d’instabilité politique que le Gouvernement semble prêt à ouvrir à Pointe-à-Pitre serait de nature à améliorer la situation de la commune ?"
Pour les trois parlementaires, Hélène Vainqueur-Christophe, Victoire Jasmin et Victorin Lurel qui réagissent ensemble, il s'agit là "d'une chasse aux sorcières dont seul(e)s les Pointois(e)s sont les victimes" Et de déclarer : "Dans quelle République démocratique un Gouvernement s’autorise-t-il à fouler aux pieds les principes de libre administration territoriale ? Dans quelle République démocratique un Gouvernement décide-t-il de révoquer un maire à moins de deux semaines d’une élection nationale majeure ou fait délibérément circuler des rumeurs pour le discréditer ? Au-delà des personnes, nous nous interrogeons sur la pertinence d’une telle décision pour la population pointoise à quelques mois du renouvellement des conseils municipaux. Ajoutée à la crise financière, l’inquisition politique n’est pas de nature à aider au rétablissement de la commune, à maintenir la paix et à rétablir la concorde civile. A cette heure, nous condamnons cette cabale et faisons face aux côtés des Pointois(es), seules victimes et seuls juges au final dans cette affaire."
Pour sa part, le Président de la Région Guadeloupe Arys Chalus "s’étonne du déclenchement d’une procédure de révocation à l’encontre du maire de Pointe-à-Pitre, Jacques BANGOU. Cette procédure interviendrait à la suite des recommandations de la Chambre Régionale des Comptes qui pointait du doigt un déficit structurel de la ville de Pointe à Pitre". Ary CHALUS "note que la mise en oeuvre d’une telle procédure est extrêmement rare sous la Ve République et avoue avoir été stupéfait de sa rapidité "
Eric Jalton, successeur de Jacques Bangou à la tête de Cap Excellence et maire des Abymes,  "encourage le maire de Pointe-à-Pitre, à faire valoir ces arguments à l’occasion du débat contradictoire qui devrait s’instaurer avec les pouvoirs publics.
Plus globalement, il souhaite que ce soit l’occasion de lancer un débat de fond sur la structure des budgets communaux en Outre-mer, au regard de la situation de l’emploi et des retards en équipements publics
."