Les enfants ont eux aussi vécu l'une des pires expériences de leur jeune existence. Le passage de l'ouragan Irma, l'un des plus puissants jamais observé, restera gravé dans leur mémoire. Ils en auront beaucoup d'autres, des souvenirs, mais celui-ci, ils voulaient en parler. Avec leurs propres mots...
"Ça me fait mal quand je vois Saint-Martin comme ça"
Quelques jours après le passage d'Irma, c'est dans la cour de récréation d'une école de Quartier d'Orléans, que nous avons rencontré ces enfants. D'origines dominicaines, ils s'expriment à la fois en français et en espagnol. C'est ça aussi, Saint-Martin. Une multitude de langues parlées, pour de multiples nationalités. Un beau melting-pot.
Chacun a souhaité parler de l'ouragan. La nuit du cyclone, le réveil, les pillages...
Tous espèrent rester à Saint-Martin pour participer à sa reconstruction...
Fabiola : "Tout le monde pleurait. C'était très triste"
Autre parole d'enfant, celle d'Iliana, dite Fabiola, qui est âgée de 8 ans et demi. Elle habite un immeuble de Concordia. Et c’est elle-même qui a souhaité s’exprimer, pour évoquer le cyclone, ses conséquences, les pillages, le nettoyage de l’île et, bien sûr, l’école. Alors que l'enregistreur était posé sur une table, elle a spontanément pris le micro de Josiane Champion et commencé à raconter, ce qu'elle vivait depuis Irma.Une rentrée très attendue
Depuis ces témoignages, ils sont nombreux à avoir repris le chemin de l'école, pour leur plus grand plaisir.
"Ils étaient impatients de faire leur rentrée. Ils sont arrivés vêtus de leurs uniformes, avec leur matériel scolaire neuf. Ils avaient pris soin de tout protéger avant le passage d'Irma. C'était très touchant." raconte Gabrielle Fontaine, l'une des maîtresses volontaires à Quartier d'Orléans.
L'enseignante devait être en poste au collège Soualiga de l'île, mais l'établissement a été ravagé par le cyclone. C'est donc tout naturellement qu'elle a voulu prendre part à cette rentrée un peu particulière, avec des plus petits.
Le dessin, parfois seul moyen d'expression
Lundi dernier, elle était donc au rendez-vous, pour accueillir les enfants restés sur l'île. Ce matin là, ils ont fait différents ateliers. Les enseignants voulaient offrir aux enfants un environnement dans lequel ils seraient assez à l'aise pour s'exprimer. Ce qu'ils ont fait. En parole et en dessin...
Sur celui ci-dessous, on peut lire : "Mon toit est parti" :
Sur cet autre dessin, la pluie, les nuages, le vent... Tout y est... Un arbre est tombé sur le toit de la maison. Le toit est endommagé. L'intérieur est inondé... Comme souvent sur les dessins de ces élèves de cours élémentaire.
"Le dessin, c'était pour leur donner un autre moyen d'expression. Parfois, exprimer ce qu'on ressent à l'oral est plus difficile. Ils ont tous accepté dessiner", souligne Gabrielle, l'institutrice.
Et certains laissent vraiment paraître la peine ressentie, comme en témoigne ce petit cœur brisé.
Ou l'espoir peut-être, comme cet autre croquis :
A la fin d'une matinée riche en émotions, les élèves ont quitté la classe avec un message adressé à leur maîtresse d'un jour. Un petit mot laissé discrètement.
Un message qui a profondément touché Gabrielle Fontaine. "Je pense qu'ils se sont dit : Il y a une maîtresse qui est là pour nous. Revenir à l'école leur permet de retrouver une certaine stabilité. Même ceux qui n'aimaient pas l'école étaient heureux de revenir ici."
Un retour progressif à la normale qu'apprécie Gabrielle. Elle aussi, a vécu l'ouragan avec sa famille. Irma, elle en parle comme d'un monstre, "effrayant". "La maison tremblait. Mon mari, nos 2 enfants et moi, nous nous sommes réfugiés dans un placard sous les escaliers, avec une scie. Au cas où, il aurait fallu nous dégager pour sortir... Nous entendions le vent. C'était d'une telle violence... Aux informations, j'avais entendu que l'ouragan s'éloignerait vers midi. Je comptais les secondes. Chacune me rapprochait de midi..."
L'école, terrain d'apprentissage, de jeu et d'écoute
L'objectif est de donner aux enseignants des outils pour mieux accueillir les enfants, les accompagner. Mais, il s'agissait aussi de rassurer et de sensibiliser le personnel. des équipes continuent de se relayer sur tout Saint-Martin.
"La reprise était nécessaire pour la resocialisation des enfants. Et pour permettre également la reprise d'activités des parents, qui pouvaient retourner au travail, ou qui avaient là l'opportunité de réparer ce qu'ils pouvaient, dans la maison (...). Les élèves étaient contents de se retrouver. Les moyens de communication étant coupés, ils vivaient un peu dans l'isolement. Il y a eu de longues embrassades, du soulagement. Mais aussi de l'inquiétude. Les élèves qui doivent passer des examens en fin d'année, brevet, bac, BTS, etc. sont inquiets pour la suite de leur scolarité. Nous devons les accompagner au mieux", explique Patricia Letourneur, assistante de service social à l'Education nationale et intervenante de la cellule de crise post-Irma à Saint-Martin.