C'est peut-être la première question que l'on pourrait se poser : à qui se destine ce nouvel ouvrage de Coco Mondésir. De prime abord, aux enfants. Le format et l'écriture s'y prêtent aisément. Parce que le parcours du petit Lilian a dû être, et est peut-être encore, celui de nombreux jeunes antillais qui ne se posaient pas de questions sur leur couleur de peau, jusqu'au jour où, en raison d'un voyage qui les transborde sur le continent européen et singulièrement dans l'hexagone, ils se découvrent différents. Commence alors pour eux la nécessité de se faire une place au milieu des autres. Et là, c'est loin d'être toujours simple et c'est le début de l'aventure de Lilian.
Dans la préface qu'il fait de l'ouvrage, Steve Gadet alias Fola en dit même :
Je me revois en Lilian, ce petit bonhomme qui a l’impression de se cogner contre des murs invisibles. Les vannes qu’il a entendues, je les ai entendues aussi en grandissant en Guadeloupe. J’entends mes petits neveux en arriver au même constat que Lilian. J’entends l’une de mes filles en arriver à cette conclusion un jour alors qu’elle a à peine 5 ans.
Steve Gadet alias Fola
Et ce que le petit Lilian entend dans ces cours de récréation ce sont ces mots qui font écho dans les mémoires de beaucoup qui se sont retrouvés dans ces classes de l'Hexagone où les enfants parlent une langue dépouillée de toute diplomatie, comme celle qu'empruntent les adultes :
« Tes cheveux c’est du coton !
- Dis, on a tué combien de moutons pour te coiffer ?
- Quand tu te laves, le noir s’en va ? »
Mais voilà, ces mots de Lilian qui parlent de ces maux dans une société où on ne le définit que par sa différence, ce sont aussi les adultes qui peuvent en parler. Et la causerie organisée autour de la sortie de l'ouvrage en aura été une preuve. Comme un déjà vécu qu'on peut enfin raconter à la faveur du livre.
Le vœu de Lilian porte ensuite la trame de l'ouvrage. Mais en refermant le livre, le lecteur; quel qu'il soit, ne manquera pas de se laisser interpeller par toutes les questions en rapport avec l'acceptation de la différence si présentes dans tous les débats de société et qui souvent, livrent des adolescents complexés et en quête d'une éventuelle identité à un monde d'adultes pas toujours allégé des angoisses enfantines. Un monde au milieu duquel il faudra encore trouver sa place et peut-être que cela ira mieux si l'on s'entend dire par une grand-mère bienveillante :
" Ti boug, Tu sais quelle que soit ta couleur il y a toujours des personnes qui ne t’aimeront pas, qui t’ignoreront ou se moqueront de toi.
La différence fait peur. Mais c’est une vraie richesse. Tu te rappelles quand on s’allongeait sous le manguier pour admirer l’arc en ciel ? Il y a une profusion de couleurs mais c’est ensemble qu’elles sont belles.
Essaie de dessiner un arc en ciel qu’avec du jaune ! Tu m’en donneras des nouvelles !"
Alors, "Je n'aime pas être noir !" sonnera pour les enfants comme pour les adultes comme une véritable thérapie de l'estime de soi.