En service depuis les années 1980, l'usine, rachetée en 2016 par l'israélo-américain Ormat, est la seule unité géothermique de production d'électricité du territoire français.
"C'est notamment parce que nous avons une réserve d'eau très chaude à faible profondeur", explique le directeur du site, François Joubert, en raison de l'activité volcanique de la zone. "Pour une telle température, sur le sol hexagonal, il faudrait descendre à 5 000 mètres", assure l'industriel.
L'usine, dont les fumerolles soufrées envahissent parfois le bourg de Bouillante dans laquelle elle est installée, exploite l'eau chaude de la faille (issue de 60% d'eau de mer et 40% d'eau pluviale) présente de part et d'autre de l'archipel.
La captation se fait par des puits, remonte l'eau chaude, sépare la vapeur de l'eau. "La vapeur fait tourner une turbine reliée à un alternateur qui fabrique de l'électricité, réinjectée sur le réseau EDF", détaille François Joubert.
L'eau restante est réinjectée dans la nappe ou rejetée dans la mer, qui "crée des bains d'eau chaude très appréciés des touristes", sourit le directeur.
Depuis début avril, un nouveau puits est achevé et entrera en production d'ici à 2025. Il vient remplacer une installation plus ancienne et doit "doubler sa capacité" jusqu'à 10,5 Mégawatts supplémentaires, selon le directeur de l'usine.
En sus, le projet d'une troisième unité de production doit permettre de monter la capacité de production de l'usine et la présence de la géothermie dans le mix énergétique local pour atteindre 20%, selon Ormat.
Mais à l'heure actuelle le "projet n'a pas abouti en raison de difficultés d'exploitation", de "problèmes fonciers" notamment, indique-t-on à l'Ademe. "Il est difficile d'indiquer une puissance réellement envisageable pour ce site", selon la même source.
Dans un scénario dit "réaliste" par ses instigateurs, la programmation pluriannuelle de l'énergie de la Guadeloupe envisage plutôt une part de géothermie à 14% (75 MW) dans le mix électrique, le reste étant réparti entre la biomasse via une centrale thermique récemment convertie du charbon aux pellets de bois (43%), l'éolien (24%), le photovoltaïque (17%) et l'hydraulique (2%) dès 2028.
A l'heure actuelle, l'électricité locale est produite à plus de 75% par les moteurs de centrales thermiques diesel et fioul.
Une énergie propre, moins chère
"L'avantage de la géothermie, c'est que c'est une énergie de base (non intermittente, Ndlr), propre, décarbonée et surtout moins chère à produire que les autres", indique-t-on à l'Ademe Guadeloupe. L'électricité issue de la géothermie se vend à EDF environ 40% moins cher que les autres énergies, soulignent les acteurs de la filière.
Son inconvénient, c'est la longueur des procédures, qui dépendent du code minier.
En Guadeloupe, deux autres projets existent mais pourraient voir le jour seulement dans une bonne "dizaine d'années", selon des sources concordantes. L'incertitude sur la présence de la ressource, qu'on ne connaît précisément qu'après avoir foré, freine de nombreux projets. Or un forage de puits profonds nécessite plusieurs millions d'euros d'investissement.
Pour autant, la connaissance progresse : une étude achevée début 2023 a mis en avant une méthode de capteurs magnéto-telluriques sur terre et en mer "innovante pour rendre plus fiable" la prospective pré-forage, explique Ywenn de la Torre, directeur du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) Guadeloupe.
Une innovation sur laquelle l'ensemble de la Caraïbe lorgne, portée par la perspective de réduire sa dépendance aux énergies fossiles importées et aux capacités d'interconnexion entre les îles, jusqu'alors inexistante.
Il existe un potentiel "très intéressant dont l'exploitation permettrait d'atteindre des puissances installées d'environ 300 MW dans les prochaines années", selon le site institutionnel Guadeloupe énergie.
En mars 2022 s'est tenu le premier comité de pilotage du centre d'excellence caribéen de la géothermie, qui doit être installé en Guadeloupe.