Conformément au droit européen et à la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (loi AGEC du 10 février 2020), l’ensemble des biodéchets devront être triés à la source, à compter du 1er janvier 2024 ; c’est notamment le cas des épluchures de fruits et de légumes, des restes de repas, mais aussi les déchets de jardin (les herbes fraîchement coupées par exemple).
C’est une directive européenne qui se décline au niveau national et, donc, la loi s’applique en France et dans tous les territoires d’Outre-mer. Elle dit qu’à partir du 1er janvier 2024, l’ensemble des usagers devra trier à la source ses biodéchets. Ça veut dire que chacun, qu’on soit un particulier, une entreprise, un établissement public, on devra mettre en place ce tri
Elise Tilly, chargée de mission biodéchets à l’Agence pour la Transition Ecologique (ADEME)
Les mesures pour une économie circulaire se mettent progressivement en place. Il a été précédemment question de l’interdiction des gobelets, pailles et assiettes en plastique, ainsi que de l’interdiction des sachets en plastique pour les fruits et légumes vendus en vrac, ou encore de l’impression des tickets de caisse uniquement à la demande du client.
L’une des prochaines étapes c’est donc le tri à la source des déchets organiques.
Pour cela, les collectivités devront mettre à disposition de leurs administrés une solution de tri à la source de leurs déchets organiques.
Pourquoi trier les déchets organiques ?
Les biodéchets alimentaires se retrouvent encore trop souvent dans les poubelles d’ordures ménagères, surtout quand on n’a ni chien, ni chat pour finir les restes, ni même un jardin ou un espace extérieur pour faire du compost.
Au final, les restes de repas ou déchets de cuisine représentent un tiers du contenu de nos poubelles.
En fin de chaîne de traitement, ces déchets sont incinérés ou enfouis, ce qui génère des émissions de gaz à effet de serre supplémentaires.
Ça représente à peu près 100 kg par habitant, par an. Aujourd’hui, en Guadeloupe, on est dépendants de l’export d’un certain nombre de nos déchets qu’on ne peut pas valoriser localement, parce que les filières n’existent pas. Quant aux biodéchets, ce n’est pas le cas : on peut valoriser localement nos déchets verts et nos déchets alimentaires, sous forme notamment de compost. C’est une matière qu’on va trier et valoriser localement, donc qui ne va pas être exportée. C’est aussi une ressource pour le territoire, puisqu’aujourd’hui, on importe du compost pour le jardinage et l’agriculture.
Elise Tilly, chargée de mission biodéchets à l’Agence pour la Transition Ecologique (ADEME)
En effet, ces biodéchets, s’ils sont bien utilisés, peuvent enrichir les sols ; les parcelles seraient ainsi moins sensibles aux sécheresses et auraient moins besoin d’engrais chimiques.
Plutôt que de finir à la poubelle, ils peuvent également être valorisés en biogaz et, donc, être utilisés pour le chauffage urbain, ou en compost pour les filières agricoles.
Comment trier les déchets organiques ?
Les collectivités ont un rôle à jouer, à compter du 1er janvier 2024 : il leur appartient de mettre en place une solution pour que leurs administrés ne jettent plus leurs déchets alimentaires dans leur poubelle. Compostage de proximité, collecte en porte à porte, point d’apport volontaire... plusieurs solutions existent.
Certaines d’entre elles avaient déjà distribué des kits de compostage à des particuliers.
Pour rappel, dans l’archipel, ce sont les communautés d’agglomération et les communautés de communes qui ont en charge la collecte de déchets.
C’est vrai que, depuis plusieurs années, il y a eu des actions ponctuelles mises en place par les collectivités, notamment des distributions de kits de compostage auprès des usagers. Par contre, c’est clair que ce n’est pas suffisant, si on veut répondre à l’obligation réglementaire. L’ADEME n’accompagne pas la mise en conformité réglementaire mais, compte tenu de l’impact de cette réglementation, il y a une exception qui est faite : on va pouvoir accompagner, sur les toutes premières semaines de 2024, les collectivités qui en feraient la demande, pour les aider dans l’acquisition de matériel à destination de leurs usagers, à la foi pour le tri à la source et la valorisation des biodéchets.
Elise Tilly, chargée de mission biodéchets à l’Agence pour la Transition Ecologique (ADEME)
Un fonds spécifique, baptisé le Fond Vert, est destiné aux collectivités, dans ce cadre.
La Guadeloupe est dotée d’une plateforme de compostage, basée à Moule. Celle-ci est en mesure d’accueillir l’ensemble des biodéchets produits sur le territoire ; ils peuvent y être dégradés et transformés en compost, notamment au bénéfice des agriculteurs.
Mais l’archipel ne dispose pas d’un méthaniseur.
Le compte n’y est pas
À ce jour, 3% des Guadeloupéens disposent d’un composteur individuel fourni par les collectivités. Certains autres ménages se sont directement équipés en composteurs dans le commerce, ou donnent leurs biodéchets comme nourriture aux animaux.
Grâce au compostage individuel, ces foyers vertueux détournent chacun des ordures ménagères, annuellement et en moyenne, 66 kg de déchets alimentaires et de déchets verts. Au total, selon, l’Observatoire régional des déchets et de l’économie circulaire (ORDEC) de Guadeloupe, leur initiative représentait 860 tonnes de biodéchets détournés des poubelles, l’an dernier, sur 128.400 tonnes d’ordures ménagères résiduelles produites. Une goutte d’eau, en somme, en ces temps où il y a une urgence réglementaire.
La loi s’applique donc à tous, désormais : particuliers, cuisines centrales, crèches, écoles, hôpitaux, Etablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), restaurateurs, industries agro-alimentaires, etc.
Sauf que, dans le monde professionnel, ce n’est pas si simple. Les agents de propreté retrouvent souvent des restes de repas dans les poubelles. Qui devra trier ?
On n’est pas prêt du tout ! Je donne un exemple flagrant : nous, on nettoie les grosses entreprises et on constate que les salariés, au lieu de manger à la cafétéria, ils emportent leur repas dans le bureau et après ils jettent les restes dans les bacs sanitaires des toilettes ! Alimentation, bouteilles, gobelets en plastique, tout est mélangé dans les poubelles ! Les salariés disent que c’est à la femme de ménage de trier ; ils ne sont pas payés pour ça. Mais nous non plus ! Il faudrait que les personnes se responsabilisent.
Témoignage d’un agent de propreté pour des sociétés prestataires de nettoyage
D’autres mesures anti-gaspillage doivent voir le jour dans les années à venir.
Il sera par exemple question de la mise en place d'une feuille de route 2023-2028 spécifique à la filière textile ; il s’agira, dans ce cadre, de mieux collecter, mieux recycler, mieux réparer et développer la deuxième vie des textiles.
Le développement de filtres à microfibres plastiques sur les lave-linge est aussi prévu, pour éviter les rejets des microplastiques qui polluent l’océan.