Les poissonniers de « Man Réau » privés de marché depuis trois mois

Tony Sinapin a dû installer un espace chez lui pour préparer les commandes de certains clients qu'il livre directement.
Les mareyeurs qui vendaient leur poisson sur le « marché à Man Réau » à Pointe-à-Pitre sont privés de cet espace de vente depuis trois mois. La réouverture post-confinement s’est faite sans eux. Le manque à gagner est considérable.
Avant la crise sanitaire du COVID-19, Tony Sinapin vendait chaque jour 50 à 100 kilos de poisson et fruits de mer sur le « marché à Man Réau », à Pointe-à-Pitre. Ce mareyeur de 55 ans, basé à Saint-François, et inscrit à la Chambre de commerce, achète le poisson en gros à des marins-pêcheurs de sa commune,  mais aussi de la Désirade et des Saintes.
Tony Sinapin écoulait 50 à 100 kilos de poisson par jour à "Man Réau"...
 
Particularité de son fonctionnement : il ne revend pas cette marchandise à des poissonniers, comme le font généralement ces professionnels, mais la commercialise lui-même au détail, auprès des particuliers. Et son principal débouché jusqu’à présent était le très populaire marché du quartier Saint-Jules, où il a pris il y a trois ans la relève de sa mère, qui a elle-même exercé cette activité pendant une cinquantaine d’années. C’est dire si Tony Sinapin bénéficiait d’une clientèle fidèle sur ce « marché à Man Réau », où il était installé quatre à cinq jours par semaine.
 

Marché rouvert, mais sans poisson

Mais depuis trois mois, Tony Sinapin, tout comme les deux autres poissonniers exerçant sur ce site, sont privés de leur lieu de vente. Il y a eu d’abord la fermeture de tous les marchés de Pointe-à-Pitre, décidée le 20 mars par arrêté municipal, en raison des risques de contamination du Coronavirus. Avec la sortie progressive du confinement, le gouvernement a autorisé tous les marchés à rouvrir à partir du 11 mai, à condition de mettre en place les mesures de protection sanitaire anti-COVID. La ville de Pointe-à-Pitre a alors fait le choix de relancer l’activité du « marché à Man Réau », à compter du 15 mai, mais avec des restrictions.  
L’espace de vente n’est ouvert que deux jours par semaine : le vendredi (réservé aux maraîchers du marché de Bergevin) et le samedi pour les autres marchands. Cependant, le nombre d’étals a été quasiment divisé par deux, afin de pouvoir respecter la distanciation imposée entre chaque stand, mais aussi entre clients et vendeurs et entre clients.
Et pour l’heure, les produits de la mer y sont exclus. C’est ce qui a été signifié en tout cas à Tony Sinapin, lorsqu’il s’est présenté le 16 mai à « Man Réau », les glacières remplies. Le mareyeur affirme que son retour ce samedi-là avait pourtant été convenu en amont par les services municipaux chargés de l’organisation de ce marché. 
 

Des clients et des pêcheurs en attente 

Depuis, « Tony le poissonnier » tente de survivre en répondant aux commandes de certains clients, qu’il livre directement dans la zone de Saint-François, Moule, Sainte-Anne, et une fois par semaine en région pointoise. Le Saint-Franciscain a aménagé un espace extérieur, près de sa maison, pour préparer le poisson (vidé, écaillé, et parfois découpé en filets ou brochettes, assaisonné…). Mais cette organisation et ces livraisons génèrent un surcoût. Et les quantités ainsi écoulées représentent moins de 20% du volume vendu habituellement sur le marché. 

Tony Sinapin, que nous avons rencontré chez lui à Saint-François, nous dit son désarroi :

Le désarroi de Tony Sinapin, privé de marché

Tony Sinapin évalue le manque à gagner sur trois mois à environ 9 000 euros, que les aides d’urgence de l’Etat sont loin de compenser. Et la baisse d’activité du mareyeur se répercute aussi sur les recettes des marins-pêcheurs qui le fournissent. 
Quant aux clients, qui avaient leurs habitudes à « Man Réau », ils n’attendent qu’une chose : revoir leurs poissonniers. Au-delà de l’aspect commercial, c’est aussi le côté convivial du marché qui manque à Tony Sinapin :

Les clients attendent leur poissonnier

« La clientèle qui vient à « Man Réau » a ses habitudes. Ce sont des gens qui n’ont pas spécialement envie d’aller à La Darse ou à Lauricisque pour acheter du poisson ». 

 
"Tony le poissonnier" : ses quelques livraisons directes ne remplacent pas les ventes sur le marché.

Mais du côté de la municipalité, pas d’échéancier ni de réponse claire sur le retour (ou pas) des produits de la mer sur ce marché pointois.