Pollution au Chlordécone : un devoir d’information, pour les vendeurs de terrain

Pour savoir si leur parcelle est contaminée au Chlordécone, les propriétaires peuvent la faire diagnostiquer par les services de l'Etat.
Attention : il existe une jurisprudence obligeant un vendeur de terrain à informer son acheteur sur les éventuelles pollutions environnementales. Et celle-ci pourrait s’appliquer chez nous, notamment dans le cas d’une contamination au Chlordécone.

Depuis plusieurs mois, les cours judiciaires et tribunaux de l’Hexagone se prononcent dans des dossiers de vente de terrains pollués.

Il existe une disposition du code de l’environnement qui impose au vendeur d’un terrain d’informer l’acheteur d’éventuelles pollutions environnementales. Un article prévoit, en effet, qu’au moment de la vente d’un terrain sur lequel il y avait une Installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), le propriétaire a l’obligation, préalablement, de préciser à l’acheteur l’existence (même passée) de cette exploitation.
Dans le cas contraire, les vendeurs s’exposent à une condamnation de dépollution de leur terrain . le contrat de vente peut même être annulé.

Mais les magistrats vont plus loin, quant à cette obligation d’information dans les contrats de vente.
Une jurisprudence se développe, non plus fondée sur l’obligation prévue par le code de l’environnement, mais sur un autre texte du code civil : celui-ci prévoit que, si un vendeur sait que son terrain a été concerné par un épisode de pollution, en cas de non signalement, il pourrait s’agir d’un "défaut de conformité".

Cette question se pose, en Guadeloupe et en Martinique, où la pollution des terres par le Chlordécone n’est plus un secret pour quiconque. Cette jurisprudence pourrait-elle s’appliquer localement ? Nous avons posé la question à Maître Anne-Laure Cornélie, avocate au barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

S’agissant du Chlordécone, il y a eu, en 2020, un rapport concernant l’évaluation du plan Chlordécone III. Ce rapport préconisait, pour les actes de vente et les contrats de location, qu’il y ait préalablement un diagnostic informant le futur acheteur, ou le futur locataire, de la présence de Chlordécone. Mais il n’y a pas été tenu compte de cette préconisation, dans le plan Chlordécone IV.

Me Anne-Laure Cornélie

Me Anne-Laure Cornélie

Même en l’absence d’antécédents juridiques en Guadeloupe, concernant le Chlordécone, Maître Anne-Laure Cornélie considère dans l’intérêt de la pratique notariée, d’intégrer une clause indiquant la présence du pesticide et/ou la pollution d’un terrain. Ce serait une mesure préventive. Le fait est qu’un locataire ou un nouvel acquéreur pourrait très bien s’appuyer sur l’argument de défaut de conformité, pour aller en justice.

Le double risque de condamnation de dépollution et d’annulation du contrat de vente est particulièrement dissuasif. La facture peut alors exploser. 
Les juges font peser l’obligation d’information sur les vendeurs des terrains, mais aussi les notaires.

Pour Maître Anne-Laure Cornélie, il serait bon de se rapprocher d’un professionnel du droit, pour se faire conseiller, ou encore pour rédiger certaines formalités.

Dans le cadre de vente de terrain, l’acte de vente définitif est réservé au notaire. Mais les avocats rédigent des compromis de vente, en vue de la signature d’un acte de vente devant notaire. Donc, il est tout à fait envisageable que l’avocat conçoive, dans le cadre du compromis de vente, une clause concernant la présence de pollution par le Chlordécone.

Me Anne-Laure Cornélie

De même, pour les contrats de location de villas avec jardin, ce même type de clause peut être prévu, pour informer l’occupant du bien.

Les diagnostics techniques sont habituellement le domaine des diagnostiqueurs, mais ces professionnels n’ayant aucune obligation d’information de présence de Chlordécone, cette spécificité invite à sortir des clous... pour éviter toute déconvenue.