L'économie informelle permet à bon nombre de personnes de joindre les deux bouts, voire de subsister, en Guadeloupe. Parmi les petits boulots existant localement, il y a celui d'écailleur. Ceux qui l'exercent, comme le débrouillard Jacky, offrent leurs services aux clients des marchés aux poissons.
En Guadeloupe, on dit :
Débrouya pa péché !
On ne peut blâmer un débrouillard, quelqu'un qui se donne les moyens de s'en sortir, selon cet adage.
Et ils sont nombreux, en ces temps de crise (sanitaire, économique, de l'emploi, voire même sociétale), à se démener pour gagner leur pain... quitte, parfois, à ne pas respecter toutes les règles.
Jacky, 45 ans, père de quatre enfants, ne se pose pas de question. Il travaille, sur les quais de la Darse, à Pointe-à-Pitre, en écaillant et en nettoyant les poissons tout juste pêchés, à la demande des mareyeurs, ou de leurs clients.
Le retour au pays
Jacky se dit "Lyonnais". C'est en effet, à Lyon qu'il est né, de parents Guadeloupéens. Il a grandi, un temps, dans l'archipel, de 6 à 12 ans. Puis il est reparti dans l'Hexagone, pour se former. Là-bas, il a été préparateur de commandes, cariste... jusqu'à ce qu'un jour il décide de "rentrer au pays", avec son ex-compagne, "pour être plus proche de la famille".
Il assume, aujourd'hui, ce choix difficile d'avoir laissé son appartement et d'être venu en Guadeloupe, sans emploi.
Volontaire et déterminé, il s'est fait sa place, parmi les nombreux écailleurs de Pointe-à-Pitre, tout naturellement.
Mon choix de venir à la Darse s'est fait parce que... c'était une facilité, en fait.
J'connaissais deux trois écailleurs et j'ai vu que c'était facile : ils écaillent, ils demandent à écailler, ils prennent l'argent et... ça se fait quoi !
J'me suis dit, oui, c'est possible et je me suis lancé !
Une activité informelle qui paie le loyer
Le voilà donc lancé, depuis plusieurs années. Jacky est en place, prêt à servir les clients, dès 4h00 du matin. Il ne ménage pas ses efforts, enchaîne les commandes et gagne de quoi vivre et subvenir aux besoins de ses proches.
Dans sa cagnotte, le matin de notre rencontre, en pleine semaine, et alors que le confinement était encore en vigueur, en Guadeloupe : 80,00 €. Il demande entre 2,00 € et 2,50 € le kilo de poisson. Les clients ont eu l'occasion d'évoquer sa valeur, ce qui l'encourage à continuer et à se démener.
Son matériel est rudimentaire : un évier de fortune, deux couteaux, des gants, un tuyau raccordé au réseau public et, surtout, un écailleur traditionnel fait d'un bâton de bois et de capsules de bouteilles fixées dessus.
Mais, bémol : ce métier, tel que Jacky l'exerce, n'en est pas un. Ce service, qui fait le bonheur des acheteurs de poissons, est ce que l'on appelle un "job", qui ne garantit pas un avenir serein à notre homme.
J'estime que je m'en sors. J'ai un petit peu de chance par rapport à d'autres : je travaille, j'ai de quoi gagner ma vie, plus ou moins correctement...
C'est un peu de survie, quand même ; parce qu'on n'est pas tellement bien non plus, hein.
C'est pas déclaré ! Moi je travaille au noir. C'est un job. Je ne paie pas de charge. Ouhai, j'suis au black.
Tant qu'il peut payer son loyer et ses factures, Jacky fait le choix de ne pas se poser de questions, quant à l'avenir, "pour ne pas se faire mal à la tête". Il vit au jour le jour et cela lui convient, pour le moment.