Tuerie de mai 1967 à Pointe-à-Pitre : une nouvelle plainte déposée par le LKP

Fresque murale commémorant le massacre de mai 1967 en Guadeloupe.
Plus de deux mois après avoir déposé une nouvelle plainte, devant le Parquet de Pointe-à-Pitre, suite à la tuerie de mai 1967 à Pointe-à-Pitre, le LKP est sans nouvelle des autorités judiciaires. Les plaignants, dont des familles de victimes, réclament l’enquête qui aurait déjà dû être menée de longue date. Ils s’appuient notamment sur les informations révélées par la commission Stora.

Le collectif "Lyannaj kont pwofitasyon" (LKP) ne lâche pas l’affaire ! Ses membres entendent obtenir justice pour la Guadeloupe, suite au "massacre" perpétré les 26, 27 et 28 mai 1967, dans les rues de Pointe-à-Pitre.

Des familles de victimes, l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) et l’association Anmwé 67 (membres du LKP), ont déposé une nouvelle plainte, le 2 août dernier, devant le Parquet de Pointe-à-Pitre, avec constitution de partie civile. Ces plaignants veulent que la lumière soit faite sur ces évènements, survenus dans un climat de terreur, mais aussi la réhabilitation des victimes, assassinées par les forces de l’ordre ; le collectif pointe du doigt "l’Etat colonial français".

Ce mot "massacre" a été utilisé dans le rapport Stora, du nom de l’historien Benjamin Stora. Ce dernier a été chargé de présider une "Commission d’information et de recherche historique sur les événements de décembre 1959 en Martinique, de juin 1962 en Guadeloupe et en Guyane et de mai 1967 en Guadeloupe". Ce rapport date d’octobre 2016.

Depuis l’origine et même après la publication du rapport Stora, le Parquet n’a pris aucune initiative pour enquêter et instruire le dossier. Et, pourtant, le rapport montre comment l’Etat avait instrumentalisé des mouvements protestataires pour les transformer en groupes terroristes, susceptibles de mettre en cause la sûreté de l’Etat.

Communiqué du LKP – 11/10/2023

En revanche, plusieurs militants Guadeloupéens du Gong ont fait l’objet de poursuites judiciaires et ont été condamnés.
Les représailles ont dissuadé les familles des victimes de se faire connaître et de se plaindre, à l’époque, avance le LKP.

On profite pour lancer un appel aux autres personnes qui ont envie de rejoindre la procédure qui vient d’être lancée et de se constituer partie civile, pour que l’Etat français nous dise la vérité : combien de personnes ils ont tuées et, surtout, qu’ont-ils fait des corps des victimes.

Elie Domota, porte-parole du LKP

Justement, à propos du nombre de morts, l’incertitude subsiste, est-il dit dans le rapport Stora :

Le bilan officiel (mais non public) de 8 morts est souvent contesté en Guadeloupe. Les témoins directs des événements ont été très impressionnés par la violence des affrontements et des ratissages effectués par les gardes mobiles (...). L’hypothèse de 87 morts, telle qu’avancée par Georges Lemoine en 1985, ou encore celle de 100 ou 200 morts défendue aujourd’hui dans certains milieux militants, ne se fonde sur aucune preuve ou faisceau d’indices. La recherche dans les archives hospitalières du CHU de Pointe-à-Pitre, qui auraient pu permettre d’accéder à une autre version que celles des autorités étatiques, s’est avérée vaine, ces archives ayant été détériorées par l’humidité ou la moisissure.

Extraits du Rapport Stora - 10/2016

Quoi qu’il en soit, des Guadeloupéens ont bien été tués par balle, durant cette page sombre de l’histoire de l’archipel. "Aucune enquête judiciaire n’a été ouverte, aucune autopsie n’a été ordonnée", déplore le Lyannaj Kont Pwofitasyon.

Alors que tous ces documents devaient être judiciaires et publics, ils sont restés politiques et secrets. Les responsables de ces méfaits ont engagé des poursuites contre les manifestants et les militants.

Communiqué du LKP – 11/10/2023

Le LKP parle d’une "insupportable impunité de l’Etat", qui doit "répondre de ses crimes".
Mais il n’a pas de nouvelle, depuis que la nouvelle plainte a été déposée, en août dernier.

Jusqu’à aujourd’hui, suite à tous les dossiers que nous avons déposés, ainsi que ceux des autres organisations, on nous a toujours opposé la prescription...

Elie Domota, porte-parole du LKP

Une deuxième procédure est dans les tuyaux, "pour défendre l’histoire de notre peuple et le respect pour nos aïeuls" : l’UGTG et l’association Anmwé 67 engagent un recours en responsabilité contre l’Etat, pour son inaction depuis 1967, alors que son devoir était d’enquêter.