Une enquête du quotidien Libération dévoile les pratiques derrière les "profits suspects" du groupe Bernard Hayot

Bernard Hayot président fondateur du GBH.
Le témoignage exclusif de l’un, des plus hauts cadres, du groupe Bernard Hayot, recueilli par Libération, qui signe une enquête choc sur les surprofits de cet empire économique aux 4,5 milliards d'euros de chiffre d’affaires.

Le journal Libération a publié une enquête sur les profits du groupe antillais Bernard Hayot. Des profits qualifiés de suspects par Emmanuel Fansten, l’auteur de cette enquête.

Un dossier qui se concentre sur des dizaines de documents internes. Ils émanent d’un cadre supérieur de la multinationale martiniquaise. Un des 170 managers qui ayant accès à ces documents ultra-confidentiels. 

Des marges élevées

Tellement confidentiels que ces membres du "board" ont pour consigne de ne révéler aucun chiffre, même pas aux salariés du groupe.

Le témoin anonyme travaille au sein de la branche automobile. GBH réalise 18 à 28% de marges nettes dans ce secteur dans nos régions, soit 4 fois celles réalisées dans l’Hexagone sur les mêmes voitures vendues.

Le groupe, se défend, et met en avant des frais d’approche, ces coûts induits de transports et d’importations et d’octroi de mer. Mais, en réalité, il n'en serait rien, selon Emmanuel Fansten.
Ces coûts d’approche ne représenteraient que 15 à 20% du prix de vente final, soit l’équivalent de la TVA dans l’Hexagone.
Il y aurait des frais appliqués qui profiteraient en réalité à nombre d’entreprises intermédiaires, qui appartiennent elles-même à la constellation d’entreprises de GBH.
Cette structuration permettrait d’accumuler des marges, de ventiler les bénéfices et d’alléger les comptes d’exploitation des entreprises les plus rentables.

GBH, c’est une concentration verticale, mais aussi horizontale. La multinationale vend le véhicule, mais maîtrise aussi l’entretien et les pièces détachées.

Un marché "totalement cadenassé" et des "connivences politiques"

Plusieurs rapports ont déjà pointé du doigt ces situations d’économie de comptoir. Le dernier a été rendu à Emmanuel Macron en décembre dernier par Pierre Egéa, juriste reconnu et Frédéric Montlouis, consultant. Ils appellent le chef de l’Etat à mettre en place une concurrence non faussée en Outre-mer et à encadrer les marges arrières des distributeurs.

Le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur le coût de la vie en Outre-mer de Johny Hajjar avait souligné en 2023 un système organisé de "captation économique et d’enrichissement de quelques-uns". Un système qui irait au-delà du secteur de l’automobile et s’étendrait aux autres activités et à d'autres zones géographiques.

Des lanceurs d’alerte ont intenté une action devant le tribunal de Fort-de-France pour que GBH publie ses comptes.

Discrètement, en fin d’année, l’entreprise a publié ses comptes sociaux. En réalité, elle a publié les comptes sociaux de ses entreprises, mais pas ses comptes consolidés, ceux qui permettent de voir l’ampleur réelle du groupe.

Une situation qui perdure depuis des décennies, issue de cette économie de comptoir et dénoncée à maintes reprises. Mais les réactions sont contrecarrées par un lobbying intense. Max Dubois, proche d’Emmanuel Macron, ancien conseiller de Jean-François Carenco, l'ancien ministre des outre-mer, parle, "de connivences politiques".