Vives critiques en France, après le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour 10 ans par l’UE

L’UE va renouveler l’autorisation du glyphosate, substance active de plusieurs herbicides, jusqu'en décembre 2033.
Faute de majorité, au sein des Etats membres de l’Union Européenne, Bruxelles a tranché en faveur du renouvellement de l’autorisation du Glyphosate, jusqu’en décembre 2033. Pourtant ce composant de pesticides est soupçonné d’être cancérigène. La France, quant à elle, s’est abstenue, lors du vote. De quoi provoquer la colère des partis d’opposition gouvernementale.

La Commission européenne a annoncé, ce jeudi 16 novembre 2023, qu'elle va renouveler l'autorisation du glyphosate dans l'Union européenne, pour 10 ans, à la suite d'un vote des Etats membres, qui n'a pas permis de dégager de majorité sur le sort de cet herbicide controversé.

La Commission, en collaboration avec les États membres de l'UE, va maintenant procéder au renouvellement de l'approbation du glyphosate pour une période de dix ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions.

Communiqué de l'exécutif européen – 16/11/2023.

Un peu plus tôt, les Etats membres ne sont pas parvenus à s'entendre, lors d'un second vote sur la proposition de Bruxelles. Celle-ci portait sur le renouvellement du feu vert, jusqu'à décembre 2033, après le rapport d'un régulateur européen estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d'interdire le pesticide, dont l'autorisation actuelle expire mi-décembre. La majorité qualifiée requise pour valider ou rejeter le texte, soit 15 Etats sur 27, représentant au moins 65% de la population européenne, n'a pas été atteinte.
D’où le fait que la Commission ait tranché.
Elle prévoit quelques garde-fous et interdit l'usage de cette substance pour la dessiccation (épandage pour sécher une culture avant récolte).

Une molécule controversée

Le glyphosate est une substance active de plusieurs herbicides, dont le Roundup de Monsanto (Bayer), très largement utilisé dans le monde. Il avait été classé en 2015 comme "cancérogène probable", par le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé.

Ce jour, la question de ses effets sur la santé n'a pas été tranchée, en l'absence de consensus scientifique sur son éventuelle dangerosité.

Le ministère français de l’agriculture estime, pour sa part, que "les agences, y compris (l'Agence de sécurité sanitaire) Anses, reconnaissent (...) que le produit n'a pas d'effet prouvé/avéré sur la santé humaine dans le respect strict des doses et conditions d'utilisation".

La France s’est abstenue

La France "regrette" que la Commission européenne n'ait pas pris en compte ses propositions, visant à restreindre l'usage de cet herbicide controversé, a indiqué le ministère français de l'Agriculture.
Paris, pour autant, s'est abstenu lors du vote.
Depuis des mois, le gouvernement français répète qu'il ne peut y avoir d'interdiction sans solution.

La France n'est pas contre le principe du renouvellement de la molécule.

Communiqué du ministère français de l'Agriculture – 16/11/2023.

La France prône la réduction rapide de l’usage du glyphosate, une utilisation encadrée de la molécule, pour en limiter les impacts et un remplacement par d’autres solutions, chaque fois que c’est possible.
Le pays a restreint, ces dernières années, les usages du glyphosate, l'interdisant notamment aux particuliers et aux collectivités, ou encadrant les doses utilisées par les agriculteurs.
Les ventes de glyphosate ont reculé de 27%, depuis la période 2015-2017, en France, selon les chiffres officiels.

Paris avait aussi demandé à la Commission une durée inférieure à 10 ans, pour la ré-homologation du glyphosate "afin de pouvoir intégrer les compléments d'analyse (sur les effets du produit sur la biodiversité, NDLR) dès qu'ils seront disponibles". Une proposition qui n'a pas non plus été retenue.

Une abstention française dénoncée

La Gauche et les Ecologistes dénoncent la décision de la Commission européenne de renouveler l'autorisation du glyphosate et accusent le gouvernement français d'avoir permis ce choix, par son abstention.

Nouvelle victoire des lobbies à Bruxelles. Malgré les alertes répétées des scientifiques sur les risques sanitaires et environnementaux du glyphosate, son autorisation a été renouvelée pour 10 ans dans l'UE. La France s'est abstenue. La honte Christophe Bechu.

Marine Tondelier, cheffe d’Europe écologie les Verts (EELV)

Le gouvernement aurait pu envoyer un signal fort en votant contre. Il s'est abstenu. Leur responsabilité est entière.

Marie Toussaint,  tête de liste des écologistes aux prochaines élections européennes

De renoncement en renoncement, d'hypocrisie en trahison, Emmanuel Macron ne s'est pas opposé.

Olivier Faure, patron du Parti socialiste (PS)

Même son de cloche de la fédération de Guadeloupe du parti Socialiste qui parle, dans un communiqué, d’une "conséquence directe du déni de justice dans le dossier du Chlordécone".

La France, en s’abstenant de peser en faveur d’une interdiction de cet herbicide, démontre qu’elle n’a en réalité rien retenu des leçons du scandale de l’empoisonnement des sols, des eaux et des organismes vivants en Guadeloupe et en Martinique par le Chlordécone (...). L’impunité dans ce scandale sanitaire, faute de pouvoir obtenir un procès en responsabilité dans cette affaire en cours depuis deux décennies, ne peut qu’encourager ce type de décisions où, à l’évidence, les pouvoirs publics ne sont en rien dissuadés de faire primer les intérêts économiques sur la santé publique.

Communiqué signé Olivier Nicolas, premier secrétaire fédéral du PS

Le député PS de la 4ème circonscription de la Guadeloupe s’insurge à l’unisson. Il appelle les agriculteurs au bon sens et à avoir une utilisation raisonnée de ce pesticide.

Il appartient aussi à l’ensemble des utilisateurs, et particulièrement ceux de nos territoires, d’avoir une attitude respectueuse de la vie, respectueuse de l’environnement et, à la limite d’utiliser ça avec parcimonie, parce que c’est dommageable pour la santé.

Élie Califer, député de la Guadeloupe

Le chef de l'Etat s'était engagé, en novembre 2017, pour une interdiction du glyphosate "au plus tard dans trois ans". Il avait reconnu, en décembre 2020, ne pas avoir réussi à tenir sa promesse, plaidant un échec "collectif".