"les Mayas ont fait de moi un photographe"

Miquel Dewever-Plana photographe, auteur de l'exposition "L'autre guerre" présentée dans le cadre des Rencontres photographiques de Guyane 2013.
Les Rencontres photographiques viennent de débuter avec cette année près d’une quinzaine de photographes sélectionnés. Zoom sur le travail au Guatémala de Miquel Dewever-Plana. Au travers de son exposition « L’autre guerre », il revient sur la violence qui mine la société guatémaltèque. 
Humilité, c'est peut-être le mot qui colle le mieux à la peau de Miquel Dewever-Plana. Il lui en a d'ailleurs fallu de l'humilité pour pénétrer l'univers des gangs au Guatémala. Entretien avec le photographe que rien ne prédestinait à cette trajectoire, autour de son exposition "L'autre guerre", fruit de cinq années de travail:

« Les Mayas ont fait de moi un photographe »
M.D-P: Les Rencontres photographiques viennent de débuter avec cette année près d’une quinzaine de photographes sélectionnés.  Zoom sur le travail au Guatémala de Miquel Dewever-Plana. Son  œuvre « L’autre guerre », présentée à l’ENCRE est le fruit de cinq années de travail sur la violence au Guatémala.

Comment en êtes-vous arrivé à faire de la photographie ?
M.D-P: Au départ je suis formé en biochimie, mais je doutais de vouloir rester travailler dans un laboratoire. Je suis depuis très jeune attiré par l’Amérique latine. J’ai fais de nombreux aller-retour entre les deux continents, notamment au Guatémala. J’ai fini par m’intéresser au génocide des Mayas dans ce pays par les militaires dans les années 80. Un sujet longtemps tabou mais un récent procès vient de faire tomber quelques barrières. L’envie de témoigner m’a conduit à la photo. Ce sont finalement les Mayas qui ont fait de moi un photographe.

Avez-vous eu du mal à pénétrer l’univers des gangs du Guatémala ?
M.D-P: Je voulais vraiment illustrer cette violence au Guatémala symbolisée par les gangs. Le pays sort de 36 ans de guerre mais il y a autant de victimes qu’avant, d’où l’idée d’une « autre guerre ». Il y a tout de même 18 meurtres par jour en moyenne. J’ai commencé par la prison, pendant près de cinq mois. Je n’ai pas enregistré une minute, ni pris une photo les trois premiers mois. J’avais l’autorisation de l’administration pénitentiaire mais pas celle des jeunes. Ils maitrisent leur secteur, il faut donc respecter leur loi. Cela m’a donné le temps de comprendre, d’être accepté  et d’être plus vrai.

On voit beaucoup d’enfants dans les photographies, que doit-on en déduire ?
M.D-P: Les enfants c’est un peu la seule richesse que ces jeunes possèdent. Beaucoup ont été des victimes eux-mêmes avant de faire des victimes dans la société. Il n’est pas rare que les membres des gangs aient été maltraités étant enfant, victimes d’un beau-père alcoolique ou encore d’abus sexuels. Ils ont grandi avec la haine d’une société qui les rejetait.  Ils ont du mal à montrer de l’amour car ils n’en ont pas reçu. En entrant dans le gang ils disent : « Ma mère m’a donné la vie et je la donne au gang ». Après être devenu père, ils s’interrogent et se demandent si la vie n’est faite que pour la perdre. Quel avenir pour ces enfants ? Moi je suis assez pessimiste sur l’avenir de cette société.

Pourquoi pensez-vous avoir été choisi pour venir en Guyane ?
M.D-P: J’ai rencontré Karl l’an dernier au festival « Visa pour l’image ». Je pense que ce travail fait écho aux réalités du continent sud-américain dans lequel la Guyane s’inscrit. Cette violence est universelle, elle touche tout le monde. La société évolue, devient de plus en plus violente, les aides sociales diminuent et les politiciens n’ont pas de vision à long terme. Je pense que ce sont des questionnements qu’on peut avoir en Guyane, qu’on peut avoir partout en fait. Pour ma part j’ai très envie de revenir et de faire un travail ici. 

Interview réalisé par Patrick Clarke concernant le choix de Miquel Dewever-Plana de travailler sur la question de la violence:

"la violence n'est pas un choix"




"L'autre guerre" l'exposition est le fruit du travail de Miquel Dewever-Plana pendant 5 ans au Guatémala.
Miquel Dexever-Plana: "Les jeunes dans ce pays, une fois qu'ils grandissent dans les bidonvilles sont stigmatisés, avec peu de chance d'échapper à l'univers des gangs".
La violence est importante au Guatémala, il y a près de 18 meurtres par jour en moyenne.
Inauguration de l'exposition en ouverture des rencontres photographiques de Guyane, jeudi 25 juillet à l'ENCRE.
La violence que questionne l'exposition "l'autre guerre" est ancrée dans le contexte latino-américain et fait écho dans d'autres proportions aux réalités guyanaises.
Exposition "L'autre guerre", mise en scène photographique. La jeune fille allongée est également le personnage principal du webdocumentaire "Alma".



« Une enfant de la violence »
Miquel Dewever-Palna est aussi l’auteur en collaboration avec la journaliste Isabelle Fougère d’un webdocumentaire intitulé « Alma. Une enfant de la violence" » sur le parcours d’une ancienne membre d’une « mara » au Guatémala. Le documentaire produit par UPIAN a été  diffusé sur le web par le site Arte et en version film à la télé sur la même chaîne. Salué par la critique, le webdocumentaire s’est autant distingué par la forme que par le fond. En quarante minutes poignantes, il aborde le récit d'Alma tombée dans l'univers des gangs à 15 ans, de manière étagée par l’apport des fonctions tactiles permettant de passer d’un geste du doigt d’une narration à une autre, du récit épuré d’Alma au foisonnement de références qu’ouvre son histoire.

Pour en savoir plus sur le webdocumentaire « Alma. Une enfant de la violence », rendez-vous sur le site d’Arte.