"Abeilles tueuses" : que sait-on sur cette race africanisée, qui a fait une victime à l'Îlet la Mère ?

Abeilles "tueuses"
Une femme est décédée ce mardi à l'Îlet la Mère après avoir été piquée par des abeilles. Un événement rarissime, qui met l'accent sur la dangerosité des abeilles africanisées, une race hybride fabriquée par l'homme, très agressives.

Ce mardi, un groupe de 34 touristes a été attaqué par un essaim "d'abeilles tueuses" alors qu'ils se baignaient à l’Îlet la Mère. Une femme âgée de 65 ans a succombé aux piqûres.

Alertés, les secours se sont rapidement rendus sur les lieux, avec un bateau et un hélicoptère de la gendarmerie. Au total, quatre personnes étaient en urgence absolue dont un enfant de quatre ans, et neuf autres en urgence relative. Un événement rarissime qui démontre la dangerosité de ces abeilles dites "tueuses".

Une espèce hybride

Une des abeilles tueuses

L’abeille tueuse, ou abeille africanisée, est une espèce hybride issue du croisement de deux abeilles. Leur existence est accidentelle. L’histoire commence dans les années 1950 au  Brésil. Le pays  souhaite devenir le premier producteur mondial de miel. Pour mener à bien ce projet, le gouvernement brésilien décide d’augmenter la productivité des abeilles locales et fait appel à Warwick Estevam Kerr, généticien à l'Université de São Paulo.

Pour le projet, ils décident d’importer en nombre des reines Apis mellifera scutellata, espèce originaire de Namibie habituées au climat tropical, misant sur la rentabilité. Les scientifiques estiment, alors,  qu’elles présentent un comportement très agressif. Aussi, le généticien a l’idée de croiser les abeilles Apis mellifera scutellata avec des abeilles européennes, déjà utilisées au Brésil : Apis mellifera ligustica et Apis mellifera iberiensis. Hélas, l’essai ne s’avère pas concluant car les hybrides présentent toujours une grande agressivité.

L’histoire en serait restée là si une vingtaine d’essaims ne s’étaient pas échappés du laboratoire, se développe au rythme de 100 à 300 km par an, finissant par atteindre le Mexique (1985) puis les États-Unis (années 1990).

Le venin n’est pas redoutable. C'est leur agressivité qui pose problème : lorsqu'un essaim attaque, la cible peut recevoir entre 200 à 1 000 piqûres simultanées. Ces abeilles se montrent également capables de poursuivre leur cible sur près de 400 mètres et demeurent agitées jusqu’à huit heures après le dérangement de la colonie, contre 50 mètres et une heure pour les espèces européennes.

Jean-Philippe Champenois entomologiste

Il y a un risque effectivement, mais ces abeilles ne sont pas des tueuses. C’est notre abeille locale, elle a tendance à être agressive. Elle n’a pas un venin plus puissant qu’un autre. Avec elle, il y a deux problématiques, la première il y a une piqûre, la victime est allergique et développe un œdème, et la deuxième et c'est notre cas, il y a plusieurs piqûres et on va entrer dans un phénomène d’overdose. Un essaim c’est la façon dont se reproduisent les abeilles, là ce n’est pas un essaim qui a attaqué, c’est une colonie qui a été dérangée. La cause, il y a forcément quelqu’un qui les a dérangées, cela peut être une noix de coco qui est tombée, un singe qui s’est déplacé. La colonie a été dérangée à la base. À partir du moment, où il y a une piqûre,le dard reste dans votre peau et contrairement à une guêpe, les autres vont se précipiter car il y a l'odeur du venin.  

 Jean Philippe Champenois entomologiste, spécialiste des abeilles 

Cet événement tragique est extrêmement rare. Depuis, l’Îlet a été fermé au public et des moyens ont été mis en œuvre pour déloger la colonie avec l’aide d’apiculteurs.