Abolition : les Chaines Brisées à Cayenne, 10 ans de commémoration et de cohésion

Les Chaines Brisées, Anse Nadeau à Cayenne

Les Chaines Brisées, l'un des lieux de mémoire et de commémoration de l'abolition de l'esclavage et de la traite négrière, auront dix ans le 9 décembre prochain. Le monument s'est inscrit dans les points de repères des Cayennais et des visiteurs du chef-lieu. 

Face à la mer et au départ du boulevard Nelson Madiba Mandela l'une des principales artères du chef-lieu, Les Chaines Brisées trônent dans une paisible symbolique de liberté. Terminus du bus de la régie de transport, parenthèse pour les uns, respiration pour les autres, ce lieu proche du mythique mais totalement disparu lycée professionnel Marchoux, accueillait jadis une fontaine qui faisait la joie des lycéens tout proches. Aujourd'hui, toujours entre les places de Buzaré et des Amandiers, sur la bande littorale cayennaise, L'Anse Nadeau d'où s'élèvent Les Chaines Brisées s'impose toujours comme un lieu incontournable de la balade cayennaise.

Un dimanche après-midi...Dolly, Arsène et Raymond

Ce dimanche après-midi, en plein confinement, Dolly et Arsène y sont venues prendre l'air avec les enfants d'Arsène et ceux d'une autre amie dont le fils fête son anniversaire. Le gateau fait maison, les boissons, les réjouissances ont trouvé place et les enfants ont tout l'espace nécessaire pour s'ébattre, ils grimpent et se faufilent d'ailleurs entre les maillons de la chaine. Il fait beau sur ce bord de mer qui nous offre sur les coups de 18h30 un coucher de soleil digne d'une carte postale, spectacle rare en cette période de pluies et d'inondations exceptionnelles. Un bord de mer qui révèle à marée basse l'immense banc de vase qui protège en ce moment la côte guyanaise. Ici, nous sommes probablement sur l'un des plus beaux spots du littoral cayennais pour admirer le déclin du soleil. Il se trouve que Dolly a été élève au lycée professionnel Marchoux, elle a connu la fontaine. Adolescente, elle est arrivée en Guyane avec sa mère en 1976. Toutes deux en provenance du Guyana.

Dolly

Cet endroit, c'est pour Dolly tout un symbole: "Il faut s'approprier l'Histoire pour être plus fort et plus lumineux. Les descendants d'esclaves ont le devoir de briller pour honorer la mémoire et la souffrance de leurs ancêtres. C'est un monument bien placé, très symbolique de la libération des esclaves. Il reflète le tort qui a été fait à l'Humanité. Par ce monument et par d'autres, il faut que l'Homme comprenne que ça doit s'arrêter. D'ailleurs, confinement ou pas, il faut que la mairie de Cayenne organise une grande rencontre le 10 juin ici."

Arsène

Arsène à son tour se dit émerveillée par le site. Elle y vient régulièrement puisqu'elle habite un appartement de l'avenue Léopold Héder à deux pas. D'origine congolaise, elle vit et travaille à Cayenne depuis trois ans. Elle y vient pour méditer et s'aérer avec ses deux enfants : "Je trouve ce monument magnifique et imposant dans ce qu'il représente. Il me laisse songeuse et en proie à différentes émotions, moi qui suis Africaine."  

Silence ... Arsène n'en dira pas plus mais son émotion est tangible.

Raymond

Raymond Charlotte, vieux Guyanais, organise ou participe régulièrement ici à des manifestations entre revendications et conscientisation, justement pour ce que repésente ce monument mais il reste dubitatif : "Domaj sa koté-a ka sanblé bagaj ki ja fèt annan dòt koté. Chenn brizé ... Mé chenn-yan pa jen brizé ! Gadé kouman yé ka kaya kaya liberté fondamantal pèp gwiyané-a. Epi lanméri Kayenn té divèt pròpté koté-a toulong, ba li oun bèlté toulong pou tout moun, ki Nèg ki dòt moun vé vini komémoré sa istwè-a lò yé lidé di yé. A pousa a pou félisité Mouvement International pour la Réparation pou travay i ka fè-a pou onoré lézansèt."

Les Chaînes brisées, la liberté retrouvée

Quand les soirées n'étaient pas confinées, Les Chaines Brisées accueillaient notamment des rencontres de salsa. De jour comme de nuit, des activités y sont organisées mais le site, si incontournable et si symbolique soit-il souffre comme bien des lieux de balade du chef-lieu d'un manque d'éclat. Quelques coups de peinture y seraient les bienvenus mais comment ne pas craindre les graffitis et autres tags dans des langues diverses qui fleurissent allègrement sur les murets. Par bonheur, malgré cet aspect de vétusté, l'Anse Nadeau et sa place sont régulièrement nettoyées, le gazon tondu par la commune. Elles font partie du parcours de ramassage des déchets des associations de protection de l'environnement. Ici, à l'ombre des chaînes et de quelques amandiers, debout ou assis sur les murettes, on attend son bus, on discute, on lit, les médias y enregistrent des émissions, on médite le regard perdu quelque part sur la ligne d'horizon. Immanquablement, on prend l'air. 

La plaque au pied de l'oeuvre nous rappelle à tout moment que le 9 décembre prochain, cette dernière fêtera ses dix ans, dix ans seulement ou déjà.