"Regardez le plus grand fleuve du monde ! Sa richesse et celle du Nord du Brésil sont infinies, mais les gens l’ignorent". Les yeux rivés sur l’Amazone, Antonio, 25 ans, a la même détermination que son grand-père, João Capiberibe.
Regardez le reportage de Guyane La 1ère :
La valeur d’un hectare en Amazonie
Ensemble, ils sont à la tête de "La Flore Da Samauna" (La Fleur du Fromager), une entreprise de production de vin de wassaï qui en commercialise environ 4 500 litres par an. À un quart d’heure de Macapa, au bord du petit fleuve de Coriaou, l’ancien gouverneur de l’Amapa et son petit-fils défendent, d’une même voix, l’économie de la biodiversité.
"On essaie de mettre en valeur la beauté et les richesses de la forêt, explique Antonio Capiberibe. Il y a le vin de wassaï, et d’autres produits de l’économie de la biodiversité comme le café de wassaï ou encore le charbon réalisé avec des graines de wassaï.
Un arbre de wassaï a tellement de valeur. Un hectare de l’Amazonie en a encore plus !
Antonio Capiberibe, producteur de vin de wassaï
Faire de l’économie sans nuire à la biodiversité
Antonio et son grand-père en sont persuadés : les produits de l’Amazonie peuvent être industrialisés, sans que cela nuise à la biodiversité. Il y a deux ans, João Capiberibe, retraité de la politique, a bâti son projet d’écotourisme au cœur de cette réserve naturelle de 143 hectares.
Ici, le wassaï pousse en abondance. Cette graine de l’Amazonie est un véritable "or noir" pour les communautés traditionnelles ribeirinhas qui vivent au bord des rivières.
"Trouver un chemin économique pour l’Amapa"
Il y a trente ans, c’était déjà dans ce même lieu que l’ancien gouverneur de l’Amapa surnommé "Capi" écrivait l’Histoire. "En 1994, j’ai réuni dans cette maison, des gens de toutes pensées politiques pour trouver un chemin pour l’Amapa, se souvient João Capiberibe. On a eu une réflexion sur la richesse de l’environnement et l’impasse dans laquelle nous étions à ce moment-là".
On a passé dix heures à débattre pour trouver une économie de terrain qui soit capable de dialoguer avec la nature et de respecter la nature.
João Capiberibe, ancien gouverneur de l’Amapa
Cette rencontre donnera naissance au Programme de Développement Durable de l’Amapa. "Il a marqué toute une époque et a fait de l’Amapa, l’Etat le plus préservé du pays aujourd’hui", assure l’ancien gouverneur des années 90 et 2000.
Le wassaï, "or noir" de l’Amazonie
Sur cette exploitation comme ailleurs en Amapa, trois variétés de wassaï sont présentes. Enfant de l’Amazonie, João Capiberibe a vite vu son potentiel, ses valeurs nutritives exceptionnelles et son goût unique. "Mon grand-père a surtout voulu faire de son fruit préféré, sa boisson préférée", plaisante Antonio, son petit-fils.
Complices, les deux hommes racontent comment ils se sont lancés dans la transformation du wassaï jusqu’à en faire du vin. "Mon grand-père déborde d’idées, il expérimente tout ce qu’il peut", admire Antonio.
Et on va tout fermenter pour montrer la richesse de cette forêt, car on peut gagner de l’argent sans détruire la nature.
João Capiberibe, producteur de vin de wassaï
L’esprit créatif et visionnaire du grand-père, va de pair avec l’enthousiasme et la détermination du petit-fils à poursuivre ce qu’ont entamé les anciens. "C’est grâce à eux que je sais qu’on ne jette pas ses déchets n’importe où et que l’on respecte la nature, j’ai des gestes responsables grâce à eux, c’est à nous de poursuivre leur combat", assure Antonio.
La fabrication du vin de wassaï
Cette économie de la biodiversité, ils y croient profondément et entraînent les ribeirinhos, les habitants du fleuve, qui travaillent avec eux. L’un d’eux monte en haut des palmiers décrocher les grappes de wassaï réceptionnées ensuite par Antonio dans un laboratoire installé sur l’exploitation.
"Ici, on va séparer les bonnes des mauvaises graines, puis on va les nettoyer en plusieurs fois avant de les broyer pour en faire du jus", explique le jeune homme. Avec un litre de jus, ils peuvent produire jusqu’à trois bouteilles de vin de wassaï.
Un litre de jus coûte entre 15 et 20 reals et une bouteille de vin de wassaï va de 65 à 150 réals.
Antonio Capiberibe, producteur de vin de wassaï
Sept vins de wassaï différents
A quelques kilomètres en voiture de la réserve, à l’entrée de la ville de Macapa, la famille Capiberibe a ouvert une cave avec des centaines de bouteilles de vins de wassaï. Comme chez un viticulteur, les sept vins de wassaï sont proposés à la dégustation et à la vente.
A l’arrière du magasin, les tonneaux de vin de wassaï sont alignés, étiquetés de leur date de début de fermentation. "Dans ce fût, nous avons mis des copeaux de bois de chêne car c’est moins cher que de le faire vieillir en fût de chêne", explique Antonio qui voudrait, plus tard, faire vieillir ce vin dans des fûts en bois d'Amazonie.
Son grand-père, João et sa femme, Janete, ancienne députée, désormais retraitée de la politique elle aussi, ont appris à faire du vin lors de leur exil au Chili. Durant la dictature au Brésil, João Capiberibe a combattu avant de se faire arrêter, torturer et de fuir plusieurs années dans des pays voisins, ainsi qu’au Canada.
"Dans ces cuves, nous mélangeons le jus de wassaï, le sucre, l’eau et la levure", poursuit Antonio qui découvre dans le laboratoire de nouveaux récipients récemment installés par son grand-père. "Je crois qu’il expérimente encore quelque chose avec le cupuaçu", sourit le petit-fils qui apprend chaque jour du savoir-faire de son grand-père qui produit aussi du vin blanc à base de comou. "Et il veut commercialiser du vin de monbins bientôt", annonce Antonio.
Le même processus de fermentation que son cousin le raisin
Dans ces cuves, les vins de wassaï sont fermentés entre 15 et 30 jours. Le processus de fermentation est le même que pour le raisin, "le cousin du wassaï". "Et on peut faire du vin de wassaï de plusieurs saveurs, je n’avais imaginé cela", s’enthousiasme João Capiberibe.
Je pensais qu’on pouvait faire un seul fermenté, mais à chaque composition et à chaque recette que l’on fait, le wassaï nous donne une saveur différente.
João Capiberibe, ancien gouverneur de l'Amapa
En bouche, les vins sont plus ou moins secs, moelleux, sucrés, voire même un peu acides parfois. Des saveurs aussi diverses que celles réalisées grâce au raisin. Pour le public, la visite de "La Flore De Samauna" s’achève par une dégustation.
Faire entendre ses idées à la COP 30
Déterminés à défendre cette économie de la biodiversité, les deux hommes ont l’intention de se faire entendre lors de la Cop 30 qui se tiendra à Belem, en novembre. "On doit trouver notre place là-bas pour parler de l’économie de la biodiversité, de la richesse de la forêt amazonienne et de sa préservation", affirme Antonio Capiberibe.
Mon grand-père a de grands plans, il veut sauver le monde et la nature donc cette année nous misons sur la COP 30.
Antonio Capiberibe, producteur de vin de wassaï
Pour autant, pas question pour Antonio de faire de la politique comme son grand-père. Selon lui, l’entreprise familiale est le "meilleur moyen de promouvoir cette économie de la biodiversité".
En retrait de la vie politique, João Capiberibe espère lui aussi faire entendre leurs idées grâce à l'entreprise. A 25 ans, son petit-fils l’assure : sa génération doit continuer ce que son grand-père a commencé, "sans cela, l’Amazonie et la planète ne survivront pas".