La Guyane face à une vague migratoire sans précédent

En trois ans plus de 11000 demandes d'asile ont été déposées en Guyane, un chiffre record.  Parmi ces demandeurs,  88% d'entre eux viennent d'Haïti. Par manque de structures d'accueil, les bidonvilles se multiplient et face à cette vague migratoire sans précédent la Guyane se trouve dans l'impasse.
Pour comprendre l’ampleur du phénomène, il faut prendre de la hauteur. En trois ans, un bidonville sur le Mont Baduel à Cayenne a vu sa population doubler, voire tripler selon la Collectivité Territoriale de Guyane, propriétaire du terrain.  Des maisons sans eau potable, avec des branchements électriques illégaux, rien de nouveau en Guyane mais depuis trois ans, ces bidonvilles explosent. Parmi les habitants, beaucoup viennent d’Haïti. Ils fuient la misère et les catastrophes naturelles.
L’immigration haïtienne n’est pas nouvelle en Guyane, ce qui est sans précédent, c’est l’ampleur et la forme du phénomène. Les migrants venus d’Haïti prennent désormais la voie de la demande d’asile.

11 000 demandes d'asile en trois ans

En 2016, 88,5 % des demandeurs viennent d'Haïti loin devant la République dominicaine, la Syrie et la Guinée Bissau.
Les demandes explosent. En 2015, elles doublent par rapport à l’année précédente, elles doublent à nouveau en 2016, et se maintiennent sur les 8 premiers mois de l'année 2017.
En trois ans, plus de 11 000 demandes d’asile ont été déposées en Guyane, rapporté à la population, c’est comme si la France hexagonale avait accueilli 3 millions de personnes en trois ans.
Demander l’asile est un droit, consacré par la constitution et la convention de Genève, qui définit le réfugié comme « toute personne (…) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou ses opinions politiques »…Notion élargie par la loi française à la menace pesant sur les civils dans un pays en guerre.

2,6% des demandes d'asile acceptées en 2016

Pendant l’instruction de leur dossier, les demandeurs n’ont pas le droit de travailler. Ils perçoivent donc une allocation de 263 euros par mois pour un adulte non hébergé et environ 700 euros pour une famille de 4 personnes.
En Guyane, très peu de demandeurs remplissent les conditions de l’asile. L’année dernière, 2,6 % des demandes ont été acceptées par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides. Dix fois moins que la moyenne nationale.
Pour ceux qui sont déboutés et sont sans ressources officielles c'est le règne de la débrouille. Ils font des jobs au noir pour survivre.

150 places d'hébergement pour 5000 demandeurs d'asile

La Guyane manque cruellement d’hébergement pour les demandeurs d’asile. 150 places sont gérées par la Croix Rouge, plus quelques places au Samu Social pour plus de 5000 demandeurs par an. On est loin de l’effort fait en France hexagonale, 75 000 places pour 110 000 demandeurs d’asile et plus de 330 Centres d’Accueil de demandeurs d’asile, les CADA alors qu'il n'y a toujours pas de Centre d’accueil dans les Outremer.

Plus 1000 enfants non scolarisés

Le système scolaire est lui aussi débordé. Fin septembre, plus d’un millier d’enfants de migrants n’avaient pas de place dans les collèges et lycées. Beaucoup de ces jeunes attendent d’être scolarisés depuis un an ou plus. Certains sont accueillis par des associations où ils apprennent des rudiments de français.
Dans les antennes du secours catholique, on fait ce qu’on peut pour aider les migrants, aide en nourriture, vêtements, assistance administrative mais les bénévoles sont inquiets face au risque de montée des tensions xénophobes.
Basé en Guadeloupe pour les Antilles-Guyane, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides a enfin une antenne permanente à Cayenne depuis septembre. Le délai d’instruction des dossiers de demandeurs d’asile a été ramené à trois mois, hors délai de recours.
Mais la Guyane reste bien seule pour gérer une vague migratoire, qui, faute de moyens exceptionnels, risque d’aboutir à une impasse pour le territoire