Orpaillage illégal : la colère gronde chez les amérindiens de Maripasoula

La colère gronde chez les amérindiens de Maripasoula, exaspérés par l’orpaillage clandestin. Ce week-end, les autorités coutumières du Haut Maroni ont reçu la visite de la directrice générale du WWF, le Fonds Mondial pour la Nature, accompagnée de journalistes de la presse nationale. 
Une rivière de boue se déverse dans l’Itany : les stigmates de l’orpaillage illégal, près du village amérindien de Taluhen, à Maripasoula. Dimanche, même constat, à l’embouchure du Tampok. Une fois de plus, le WWF, le Fond Mondial pour la Nature, constate l’ampleur des dégâts.
Laurent Kelle, responsable du WWF en Guyane :

"On est à la jonction entre la rivière Tampok et le fleuve Maroni, et on voit une très nette différence de couleur d'eau, et la couleur d'eau jaune très clair, c'est un indicateur de l'orpaillage illégal qui se déroule en amont de ce cours d'eau."

Mi-septembre, le Parc Amazonien a recensé 145 mines illégales sur son territoire. Chaque jour, des pirogues remontent le fleuve pour ravitailler les orpailleurs. Ce dimanche, nous en croisons une douzaine, chargées de carburant, de matériel et de quads. Tout est stocké dans des commerces côté Surinam, comme ici, à Yaou Pasi, près de Twenké. Ces dépôts de carburant alimentent l’orpaillage sur les deux rives. Le fleuve est aussi pollué par de grandes barges surinamaise, les amérindiens Wayanas sont sous pression.
Mataliuku Aloike, habitante de Taluhen :

"Il y a beaucoup de petits camps brésiliens, vraiment on n'est pas en sécurité, ça empire chaque jour."

Un autre fléau frappe les amérindiens, sans faire de bruit. C’est un poison, en vente libre au Surinam, interdit  en Guyane, qui sert à récupérer l’or sur les mines, le mercure, un produit très rentable. 50 euros les 200 grammes. Ni vu ni connu, pourtant, le Surinam a ratifié l’an dernier la convention de Minamata, censée encadrer ce commerce.
A Twenké, chez le Gran Man des Wayanas, le WWF rencontre les chefs coutumiers de ce peuple. Ils se sentent envahis et impuissants.
Gran Man Twenké Amaïpoti, chef coutumier des Wayanas :

"Les orpailleurs brésiliens sont vraiment dangereux, ils veulent la guerre, ils nous volent toutes nos richesses, nos cultures et ils tuent les animaux. Si on commence la guerre avec eux, on va perdre car on n'a pas les moyens de lutter. L'Etat nous laisse seuls ici.

"Les commerçants chinois se sont installés au Surinam près de chez nous avec toute la logistique pour les orpailleurs brésiliens. Quand les militaires français détruisent leurs moteurs, les garimpeiros vont voir les chinois pour récupérer du matériel, en échange de leur or ».

La directrice générale du WWF France écoute les habitants pour relayer leurs doléances à Paris et faire pression sur les politiques.
Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France :

"Nous portons plusieurs messages, le premier c'est évidemment une coopération accrue transfrontalière, il faut davantage travailler avec le Brésil, le Surinam, et avec le plateau des Guyanes. Nous avons entendu des messages dans ce sens, mais pas seulement au niveau militaire, gendarme, mais aussi au niveau judiciaire et aussi au niveau douanier, et enfin agir sur la chaîne d'approvisionnement, qui permet que ces activités d'orpaillage illégal se maintiennent, notamment concernant le mercure."

130 militaires et 35 gendarmes mobiles sont engagés contre les garimpeiros à Maripasoula et Papaichton, avec des saisies régulières; mais est-ce suffisant pour contrôler une zone vingt fois plus grande que la Martinique ?
©Olivia Garreth Alaïs