Cette situation cristallise le désert juridique en Guyane. Dans l’Ouest du territoire, il n’y aura bientôt plus d’avocat.
Jusqu’à présent, Maître Bintou Diarra et Maître Rosengerg étaient les deux seuls avocats en poste fixe dans la capitale de l’Ouest guyanais. Mais en février 2024, Maître Rosengerg a décidé de retourner à Cayenne.
Une charge de travail énorme
Arrivée en juillet 2023, Bintou Diarra s’est alors retrouvée seule avec une charge de travail ingérable. "Je suis de garde à vue 24h/24h et 7 jours sur 7, déplore l’avocate. Et pas seulement sur Saint-Laurent, mais tout l’Ouest et notamment Mana et Apatou. Il faut aussi savoir que pour les mineurs, l’avocate est obligatoire en garde à vue donc il faut absolument y aller. Même quand je suis en congés, on m’appelle, car il n’y a personne d’autre".
Débordée, elle a prévenu le barreau de Guyane en octobre dernier. Mais face au manque de maillage territorial, Maître Bintou Diarra a décidé de quitter le territoire à la fin du mois.
L’avocat commis d’office, un droit fondamental
"J’aime beaucoup l’Ouest, j’étais très bien intégrée, mais j’avais un choix à faire, présente l’avocate. Si je pars, il n’y a plus rien, si je reste, c’est le sacrifice de ma santé et de mon temps personnel". "Et finalement, même en étant toute seule, on ne parlait pas du manque d’avocat à Saint-Laurent", remarque-t-elle.
Désormais, les Saint-Laurentais seront dépourvus d’avocat commis d’office, un droit pourtant fondamental en France.
80 avocats et de fortes disparités
La Guyane compte seulement 80 avocats, soit quatre fois moins qu’en Corse, par exemple. Il y a également une forte disparité entre Cayenne et les autres communes guyanaises.
"Au départ on pensait qu’il y avait peu d’activité, se rappelle Me Christine Charlot, bâtonnière de Guyane. Ensuite, on sait aussi qu’il faut la volonté de s’installer à Saint-Laurent, ce qui n’est pas forcément celle de beaucoup d’avocats du littoral. Enfin, il y a une difficulté sur les permanents, car ça représente une grosse charge de travail".
Une cité judiciaire fin 2026
En attendant de trouver des solutions durables, des avocats du littoral cayennais devraient se rendre dans l’Ouest pour assurer des permanences. A l’avenir, Me Christine Charlot, bâtonnière de Guyane, "mise sur les étudiants en droit guyanais, pour qu’ils puissent accéder à la profession d’avocat". "Nous mettons beaucoup d’espoir sur cette piste pour renforcer le barreau", ajoute-t-elle.
Interrogé, le parquet n’a pas souhaité s’exprimer. A Saint-Laurent-du-Maroni, une cité judiciaire doit sortir de terre fin 2026, mais le problème restera le même. Sans avocat, les Guyanais de l’Ouest seront toujours sans défense.