Pas de don du sang en Guyane : retour sur les raisons de cette mesure controversée

La semaine de sensibilisation aux groupes sanguins rares s'est achevée ce 4 février. En France, les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, de la Caraïbe ou de l’Océan indien sont les plus susceptibles d'avoir un groupe sanguin rare, l'Établissement Français du Sang en a donc grand besoin. Pourtant, les habitants de Guyane ne peuvent donner leur sang.

Depuis le 8 avril 2005, il n'y a plus de collecte de sang sur le territoire guyanais. Cette année-là, un arrêté préfectoral y a mis fin en raison de la circulation de la maladie de Chagas. Il s'agit d'une "infection parasitaire négligée" transmise par le parasite Trypanosoma cruzi, via le sang.

Une maladie qui sévit dans la grande région

Elle sévit principalement sur le continent américain, selon l'institut Pasteur. L'infection peut prendre une forme chronique et entraîner la mort. Le Brésil, pays voisin, est le plus grand pays d’endémie pour cette infection parasitaire et concentre à lui seul 40% de la prévalence de la maladie.

Il y a 19 ans, en Guyane, les collectes de sang ont été arrêtées, par principe de précaution, en raison de l’impossibilité de confirmer ou d’infirmer l’existence de dons infectés par le parasite. C'est aussi parce qu'une quinzaine de cas avait été recensée entre 1990 et 2005.

Pourtant, aujourd'hui, l'institut Pasteur de Guyane dispose d'un laboratoire P3 équipé pour dépister, entre autres pathologies, la maladie de Chagas. Par ailleurs, au Brésil, les potentiels donneurs sont testés avant que leur sang ne soit collecté. Ils sont dépistés grâce à des tests fabriqués par le laboratoire français BioMérieux.

Une situation toujours fragile, selon le Gouvernement

C'est avec ces arguments que les sénateurs guyanais Antoine Karam (en 2019) et Marie-Laure Phinéra-Horth (en 2022) avaient interpellé le Ministère des solidarités et de la Santé, demandant la reprise de la collecte de sang en Guyane. Voici la réponse obtenue par la sénatrice.

Pour envisager cette reprise, la direction générale de la santé (DGS) a demandé à Santé publique France de réaliser une analyse de la situation épidémiologique dans ce territoire. Cette étude, réalisée en août 2021, montre que la Guyane reste particulièrement exposée à des risques infectieux pouvant affecter la sécurité transfusionnelle. Elle cite notamment le VIH, le HTLV, la dengue et le virus de l'hépatite B. Pour ce seul dernier virus, on peut craindre une perte de 5 % des poches de sang, ce qui n'est pas anecdotique.

Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie

Un à deux cas par an aujourd'hui

Aujourd'hui, la maladie de Chagas bénéficie d'une surveillance rapprochée en Guyane, et même sur les animaux qui peuvent aussi être infectés.

Depuis 2016, les cas sont signalés à l'Agence Régionale de Santé. "On est entre un à deux cas par an et la plupart du temps, ce sont des cas d'importation", selon Magalie Pierre-Demar, PU-PH en parasitologie et responsable du laboratoire au Centre Hospitalier de Cayenne.

Cette dernière estime tout de même qu'il s'agit, aujourd'hui encore, d'un problème de santé publique, car il y a encore les vecteurs (les organismes vivants, capables de transmettre la maladie) en Guyane. Le risque est donc toujours présent.