La diaspora de Saint-Pierre et Miquelon réagit après l'élection de Joe Biden aux États-Unis

De San Francisco à New-York, en passant par Chicago, nous avons contacté des membres de la diaspora de Saint-Pierre et Miquelon qui résident aux États-Unis. Ils nous racontent leur Amérique, qui semble divisée, au lendemain d'une élection présidentielle atypique.

 
Si Donald Trump n’a toujours pas reconnu sa défaite, les soutiens de Joe Biden le présentent d’ores et déjà comme le 46ème président des États-Unis.

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Dans l'attente de recours en justice, l'Amérique entre dans une nouvelle phase d'incertitude au lendemain d'un scrutin très suivi, et notamment par cinq habitants de ce pays qui sont tous originaires de Saint-Pierre et Miquelon.
 

En Californie, Émilie Detcheverry est « soulagée »


Enseignante en CM1 dans une école franco-américaine de San Francisco, Emilie Detcheverry a suivi l’annonce des résultats avec beaucoup de passion et d’intérêt : " Le scrutin était très stressant et l’attente encore plus. Plusieurs fois j’ai pleuré quand je lisais que Joe Biden avait ses chances ".

Elle ne se cache pas d’avoir ensuite fait la fête pour marquer le coup suite à la défaite de Donald Trump, qu'elle considérait comme "un président méprisant aux manières de faire choquantes".
 
Âgée de 34 ans, Émilie Detcheverry est enseignante en CM 1 dans une école de San Francisco
 

"Plusieurs fois j’ai pleuré quand je lisais que Joe Biden avait ses chances"

Emilie Detcheverry


Pour Émilie, le changement de locataire à la Maison blanche aura un impact direct sur son quotidien en tant qu'immigrée, mais également sur l'avenir du pays.

Elle attend désormais beaucoup des engagements de Joe Biden qu'elle juge "prometteurs concernant la santé, l'éducation, l'immigration, le climat ou encore la communauté LGBTQ+". 

Auparavant, il faudra aussi réconcilier les électeurs républicains et démocrates, car elle le constate, "les États-Unis sont bel et bien divisés". Elle avoue toutefois aujourd'hui "ne pas avoir assez de recul pour savoir si cette division s'exprime plus profondément que par le passé".
 

Dans l'Illinois, Sybil Derrible a poussé un cri de joie 


Professeur à l'université de Chicago, Sybil Derrible n'était "pas du tout sûr de ce qui allait se passer" lors de cette élection.

S’il avait "envie que ça change", il ne faisait pas confiance aux instituts de sondage qui plaçaient Joe Biden en tête, car ils s’étaient trompés lors du précédent scrutin en 2016, ne mesurant pas la vague qui avait porté Donald Trump au pouvoir.

Patient, puis impatient au fil de l’attente des résultats, il avoue avoir poussé un cri de joie lors de l’annonce de la victoire du candidat démocrate qui allait être en mesure, selon lui, d'améliorer son quotidien. 

Âgé de 37 ans, Sybil Derrible est ingénieur en génie urbain et professeur associé à l'université de Chicago
 

"C'est comme s'il y avait eu un "bug" pendant 4 ans, et que maintenant on pouvait repartir de l'avant"

Sybil Derrible


Ingénieur en génie urbain, Sybil réfléchit aux villes de demain en tenant compte des questions environnementales qui étaient loin d’être une priorité pour Donald Trump. "Après s’être retiré des accords de Paris sur le réchauffement climatique, il nous avait enlevé beaucoup de financements et il se battait pour les énergies fossiles".

Ses étudiants étrangers, "ont aussi beaucoup souffert" de la politique migratoire du précédent président, qui a provoqué selon lui, "une fuite des cerveaux". Ces dernières années, Sybil a constaté le départ de nombreux jeunes vers le Canada ou l’Australie alors que "l’Amérique a besoin d’eux" pour la recherche et pour les financements qu’ils procurent aux universités.

Quant à l’avenir, Sybil veut rester optimiste, car "les Américains sont assez résiliants". Il retiendra surtout cette phrase du discours de la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, "le chemin qui vient sera très dur, mais l’Amerique est prête".
 

Pour Jean-Yves Girardin, "les jeux ne sont pas encore faits" 


Entrepreneur à Palm Springs, en Californie, où il rénove des maisons pour les vendre, Jean-Yves Girardin se dit "très surpris" des résultats annoncés. Selon lui, "rien n’est encore joué" dans ce scrutin "tant que des vérifications ne sont pas faites".  

Fervent partisan de Donald Trump, il évoque de possibles fraudes et fustige le système de vote américain qui serait défaillant selon lui : "C'est une catastrophe, et je l'ai constaté en allant voter, on m'a demandé de déposer mon bulletin sans vérification d'identité ni signature."

S'il se dit prêt à accepter demain la victoire du candidat démocrate, il veut d'abord attendre que "la justice tranche". "On estime qu'on a encore une chance, même si ça paraît difficile."
  
Âgé de 49 ans, Jean-Yves Girardin est un entrepreneur californien qui croit encore à la possible victoire de Donald Trump
 

"Si Joe Biden passe, comme beaucoup de républicains, je n'irais plus voter"

Jean-Yves Girardin


Républicain convaincu aujourd'hui, Jean-Yves Girardin était pourtant démocrate lors de son arrivée aux États-Unis à la fin des années 90. 
Pour lui, tout a basculé lors de la crise économique de 2007 : "Quand le marché immobilier s'est écrasé, j'ai voulu croire Barack Obama qui s'était engagé à aider tout le monde une fois élu, mais il n'a rien changé et la banque a fini par saisir ma maison".

Soutien de Donald Trump lors de l'élection de 2016, il a vu ses affaires reprendre des couleurs au cours des quatre dernières années. "En tant qu'entrepreneur, j'étais très occupé. La baisse des taxes a été très profitable pour le business."    

Si Joe Biden doit se retrouver dans le bureau ovale le 20 janvier prochain, il craint pour son activité et pour ses six employés, qu'il ne sera peut-être plus en mesure de conserver, en cas d'augmentation de la pression fiscale.

Déjà méfiant envers les médias traditionnels, Jean-Yves a eu du mal à admettre que "même Fox News" ait annoncé la victoire du candidat démocrate. Il se dit toutefois prêt à accepter cette victoire si les différents recours portés par Donald Trump ne donnent rien. En revanche, si c'était le cas, il l'affirme, "comme beaucoup de républicains, je n'irais plus voter".


Andrée Guillot était persuadée "à 100%" que Donald Trump allait gagner


Installée aux États-Unis depuis 1966, Andrée Guillot était "dans le business de la cosmétique" dans le quartier huppé de Beverly Hills à Los Angeles, avant de prendre sa retraite. Aujourd'hui âgée de 80 ans, elle se vante d'avoir toujours voté républicain : "la première fois, c'était pour Ronald Reagan". 

Convaincue que Donald Trump allait l'emporter cette année, au vu des nombreux drapeaux qu'elle a vu fleurir dans son quartier, elle n'admet pas encore la victoire de Joe Biden. Pour elle aussi, il faudra attendre avant de connaître le nom du futur président : "Il paraît qu'il y a eu énormément de fraude, c'est incroyable, des gens de 12 ans ou de 120 ans auraient pu voter", affirme-t-elle, sans pouvoir en apporter la preuve. 

Elle rappelle toutefois que lors du scrutin de l'an 2000, "Al Gore avait cru être président pendant 30 jours", avant que George W. Bush ne s'impose sur le fil suite au recomptage des voix dans l'état de Floride.
Âgée de 80 ans, Andrée Guillot s'est installée avec son mari aux États-Unis en 1966
 

"J'ai déjà perdu une amie à cause de la politique."

Andrée Guillot


Aujourd'hui, Andrée se dit très inquiète de l'arrivée de Joe Biden au pouvoir car il pourrait, selon elle, "augmenter les taxes et accueillir plus d'immigrants qui prendraient le travail des Américains". Elle se dit par ailleurs persuadée qu'il ne finira pas son mandat, car "il est trop mou, fait énormément de gaffes et serait même atteint de démence".

Dans tous les cas, pour cette citoyenne américaine d'origine saint-pierraise, cette élection laissera des traces dans un pays qui semble déjà "vraiment divisé". Pour preuve, elle dit avoir déjà perdu une amie à cause de la politique : "elle avait vu mon mari se promener avec une casquette "make America great again", le lendemain, je recevais une lettre disant qu'elle ne voulait plus nous voir".

Depuis, son credo est clair avec ses amis et ses proches : "Quand on se réunit, on se dit "no politics, no religion". On évite certains sujets, car c'est bête de se quereller, et de perdre des gens auxquels on tient, parce qu'ils ont des opinions différentes".


Pour Eugène Nicole, "la démocratie tient le coup"


Écrivain et professeur de littérature française à l’université de New-York, Eugène Nicole se dit d'abord "satisfait" du choix des Américains, car "cela aurait été une catastrophe si Donald Trump avait été réelu".

Pour lui, "mathématiquement parlant, il est clair que la partie est gagnée" et que Joe Biden sera bel et bien le 46ème président des États-Unis. Il dit ne pas s'inquièter des recours intentés par son avdersaire et constate que "les institutions ne sont pas ébranlées". Selon lui, "la démocratie américaine tient le coup, car elle a 240 ans et elle a prévu ce type de situation".

Ce qui préoccupe Eugène Nicole en revanche, c'est l'épidémie de coronavirus "qui continue de progresser dans le pays" et qui nécessite une réponse coordonnée des autorités, car "tout piétinement sur ce sujet peut être extrêmement préjudiciable". 
 
Âgé de 78 ans, Eugène Nicole est écrivain et professeur de littérature française à l’université de New-York
 

"Donald Trump peut miner le travail de son successeur."

Eugène Nicole


Après l'attente des résultats, c'est une nouvelle phase d'incertitude qui s'ouvre donc à Washington selon Eugène Nicole, pour qui ce "problème de transition génère un vide qui pourrait avoir de graves conséquences. Plus on attend, et plus la situation interne se détériore".  

Pour lui, Donald trump peut "jouer les trouble-fêtes en se présentant comme le porte-parole d’une moitié de l'Amérique dont il pourrait attiser certains sentiments". Mais malgré tout, cet homme de lettres veut rester optimiste. Il estime que les choses "se sont déjà calmées et qu'elles vont rentrer dans l'ordre, après, peut-être, quelques incidents".

Eugène Nicole dit surtout croire à "l'unification" souhaitée par Joe Biden : "il est temps que les démocrates et les républicains se parlent entre eux, et que cette moitié qui a voté pour Trump accepte que c'est bien l'autre moitié qui a été élue".