Environ 600 personnes ont défilé à Saint-Paul ce mercredi 9 octobre pour la première Mad Pride de La Réunion, à l'invitation de l'association Balise Psy et de ses nombreux partenaires.
Cette marche colorée et joyeuse est organisée pour contribuer à changer les regards sur la maladie mentale et le handicap invisible. L’événement existe déjà dans plusieurs pays à travers le monde, mais il n’avait jamais été organisé sur notre île.
Dédiaboliser la folie
L’évènement prend place dans le cadre de la 35ème édition des SISM (Semaine d'Informations sur la Santé Mentale) et de la Journée Mondiale du Handicap.
Pour les organisateurs, le but est de casser les préjugés et les fausses idées sur la santé mentale. Les personnes atteintes de troubles mentaux ou psychiques défilent aussi pour affirmer leur droit au respect et à une place dans la société.
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
Témoigner pour faire changer les choses
Dans le cortège, les participants de tout âge dansent et chantent, accompagnés par les batucadas, les jongleurs, les échassiers.
Bien malin celui qui pourrait dire au premier coup d’œil qui sont les malades. Certains sont très jeunes, comme Amandine, 21 ans, affectée par un TPB : un Trouble de la Personnalité Borderline. Accompagnée par l’association Balise Psy, elle a appris à surmonter la maladie, à en parler. Ne pas se cacher, faire face, c’est une façon de se battre. Ce défilé, c’est un vrai accomplissement pour la jeune fille, devenue bénévole pour Balise Psy.
"Je me suis préparée, j’ai travaillé dessus avec cœur, j’ai mis toute mon énergie dedans, je suis assez fière de moi ", s’exclame t’elle.
J’ai pu retrouver un peu de confiance en moi. Je peux être avec des gens, me sociabiliser sans être stigmatisée.
Amandine, 21 ans, atteinte de TPB
Un tabou vif dans la société réunionnaise
A La Réunion, la question des troubles mentaux ou psychiques reste tabou. Schizophrène, bipolaire, dépressif, cyclothymique, hypersensible, anorexique : tous ces mots provoquent le rejet, la peur ou le jugement.
Pour lutter contre cela, Thomas est dans la rue, dans le défilé. Dépressif, il avoue avoir souvent des idées suicidaires. Il a trouvé aide, écoute et solidarité au sein du Groupe d’Entraide Mutuelle Ouest : "ça me rassure, ça me donne de la confiance en moi, ça me permettre d’accompagner les autres aussi. "
La Mad Pride est l’occasion pour lui de se dresser contre les préjugés et la négativité. "Ce n’est pas parce que nous avons des difficultés que ne nous sommes pas comme les autres," insiste le quadragénaire.
A ses côtés, Sabrina scande son message. Elle s’adresse à tous ceux qui cachent leur maladie, ont peur ou honte de l’assumer.
Moi la pa honte, mi accep amoin comme mi lé.
Sabrina, 41 ans, épileptique
"On a pas demandé à être comme ca. Noulé fé comme ça, peu importe les préjugés ou les critiques, peu importe les maladies, j’encourage tout le monde à être fier de ce qu’il est !", s’exclame avec énergie Sabrina.
Une action en direction du public professionnel
Vendredi 11 octobre, une nouvelle action est mise en place par l’association Balise Psy en collaboration avec la Mairie de Saint-Paul et Cap Emploi : "Alon Détak la folie".
Cette rencontre destinée aux professionnels de l’emploi et de l’insertion ambitionne aussi de changer les regards sur le handicap psychique. Elle s’inscrit dans le calendrier du Plan Régional d’Insertion des Travailleurs Handicapés.
23% des Réunionnais concernées par un trouble psychique
Dans le Projet Régional de Santé La Réunion 2023-2033, l’Agence Régionale de Santé (ARS) relève quelques chiffres. 23% des réunionnais de plus de 18 ans sont concernés par un trouble psychique, 46% des plus de 65 ans ont un risque de dépression.
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une personne sur cinq sera confrontée à un trouble psychique au cours de sa vie. 80 % des 12 millions de Français concernés n’osent pas consulter un professionnel, par crainte du jugement et de la stigmatisation.
Plus invisible que le handicap physique, le handicap psychique reste le plus tabou de tous les handicaps.