Le cinéma GHC, une affaire de famille

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Le GHC, le Georges Haran Cinéma est la plus grande salle de cinéma ayant existé dans l’archipel, et quand elle ouvre en 1972 c’est assurément la plus moderne, avec ses fauteuils confortables, son grand écran et sa machine à popcorn.

Georges Haran, le propriétaire du cinéma qui porte son nom, est un homme audacieux. Il naît en 1921 à Saint-Pierre et aura plusieurs vies : soldat pendant la Seconde Guerre mondiale, puis engagé volontaire en Indochine. Il a une trentaine d’années lorsqu’il rentre dans l’archipel sans un sou en poche, sa petite valise à la main. Mais rien n’effraie Georges Haran, surtout pas le travail. Il embauche au « Frigo » (la SPEC), se fait charpentier et élève même des poules... Il construit sa propre vedette, puis devient propriétaire de plusieurs bateaux.

Georges Haran

Amoureux du cinéma il gère parallèlement à ses nombreuses activités la salle paroissiale de L'Oeuvre des Mers à partir de 1956.

 

Le risque j’aime ça ! Ça me paraissait une assez bonne affaire le cinéma, j’en ai profité j’ai pris ma chance.

Georges Haran

Au début des années 1970, après quelques infortunes (il perd l’un de ses bateaux, le Pascal-Annie), Georges Haran, toujours entreprenant, décide de se consacrer entièrement au cinéma et fait construire à la place de l’épicerie familiale un imposant bâtiment avec une salle de près de 600 places.

Archive : Reportage de 1990 sur la programmation du cinéma GHC

Le GHC ouvre ses portes en 1972. C’est une petite révolution à Saint-Pierre. Le public a désormais accès à des films relativement récents, les lourdes bobines arrivent de Montréal.     

On va voir dans ces années-là : Le dernier tango à Paris, Le jour le plus long, Les révoltés du Bounty, la série des Sissi, Il était une fois dans l’Ouest, Les Charlots, et pour la première fois dans l’archipel quelques films interdits aux moins de 18 ans aux titres évocateurs.

Il faut vivre avec son temps. On passera pas pour autant des films avec trop de vices, ce qu'on appelle des films dégoûtants.

Mais le cinéma GHC, c’est aussi toute une série de spectacles : le Grand Robert l’hypnotiseur, les Little Beaver, les lutteurs nains. Ou encore des concerts de musique classique. La programmation éclectique du GHC est à l’image de son propriétaire.

Concert du Brunswick String Quartet 1977

Georges Haran est aussi père de huit enfants et toute la famille est au travail. À commencer par Madame Haran, née Marguerite Lambert, qui en plus d’élever sa nombreuse famille s’occupe de la gestion et de la programmation des films, des clients et de la buvette.

Tout le monde s’en occupe. Même les petits qui ont 6, 7 et 8 ans, ils donnent la main au nettoyage, tout le monde travaille ici !

 

Marguerite Haran

À la fin des années 1980, la salle du GHC est bien grande face à la concurrence des vidéos clubs et le cinéma décline. Il est vendu à la mairie de Saint-Pierre en novembre 1990. Elle projettera un temps de lancer un nouveau cinéma. Le GHC sera finalement transformé en caserne pour les pompiers. 

Beaucoup se souviennent qu’au GHC, on a pleuré avec Bambi, ri avec Louis de Funès et ses gendarmes, frémi aux aventures d’Angélique, marquise des anges, Aurore, l'enfant martyre et la tour infernale nous ont traumatisés pour longtemps.

Salle du GHC

Beaucoup se souviennent aussi de Madame Haran à l’accueil, des enfants de la famille qui vendaient les jus et les pop-corn, et de Monsieur Haran surveillant les allées avec sa "pile électrique" pour s’assurer de notre bonne conduite.

Le GHC c’est aussi une page de l’histoire de l’archipel, les premiers rêves sur grand écran de plusieurs générations.

Le témoignage de Georges Haran en 1973 :