"Il sera compliqué pour la Collectivité territoriale de Martinique de boucler le budget en 2025 !". Ainsi parle Arnaud René-Corail, le conseiller exécutif en charge des finances et de la commande publique. Parmi les causes de cette tension, le non versement par l’État des sommes dues pour payer le Revenu de solidarité active (RSA), une dépense obligatoire financée sur le budget de l’État.
Pour recouvrer son dû, la collectivité va lancer une action en justice. La somme s’élève à 150 millions d’euros. C’est presque le dixième du budget de la CTM.
Par ailleurs, dans un entretien à nos confrères de France-Antilles, le Monsieur Budget de la CTM précise qu’elle doit trouver 200 à 250 millions pour investir et soutenir les communes, les établissements publics et ses satellites. Ce qui l’oblige à emprunter pour honorer ses engagements. Dans le même temps, il faut s’attendre à des tensions sur le budget en 2025 à cause d’une perte prévisionnelle de 30 millions d'euros.
Des tensions budgétaires à craindre
La CTM, explique Arnaud René-Corail, aura du mal à "boucler le budget tout en payant les arriérés, en maintenant les investissements et en couvrant les dépenses obligatoires, dont 900 millions d'euros pour le social et 270 millions pour les charges de personnel".
La CTM est le premier contributeur des dépenses publiques, avec un budget avoisinant 1,7 milliard d’euros. Autant d’argent injecté en moins dans le circuit financier par elle, c’est autant d’argent dépensé ou investi en moins par les autres collectivités, les entreprises et les familles. Est-ce à dire que la récession est à nos portes ?
Il faut le craindre. L’incertitude règne sur le vote du budget de l’État. Dans ces conditions, la CTM ne recevra pas de sitôt son dû. D’ailleurs, plusieurs départements, dans toute la France, réclament eux aussi les crédits pour payer le RSA.
Des territoires en voie de fragilisation
Nous connaîtrons la semaine du 2 décembre prochain le sort réservé au projet de budget présenté par le Premier ministre. Michel Barnier va certainement recourir à l’article 49-3 de la Constitution. Il s’expose donc à une motion de censure. Si elle est adoptée, son gouvernement tombe et le budget 2025 n’est pas validé. Le budget de 2024 sera reconduit à l’euro près et une loi spéciale sera votée pour percevoir les recettes.
Avec un État désargenté, la Martinique, comme tous les territoires d’outre-mer s’en trouvera fragilisée. Nos territoires sont fortement dépendants des transferts publics, subventions et aides exceptionnelles versés par le gouvernement. Ce manque de liquidités alourdirait un climat social électrique, en Nouvelle-Calédonie, en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique.
Dans une tribune récente, l’économiste Jean-Marie Nol estime que la fragilité de nos économies et leur dépendance structurelle à l’État expose fortement nos territoires à l’incertitude. Tout porte à croire que 2025 sera une année difficile. A moins d’un retournement positif de conjoncture. Ce qui reste possible, l’économie n’étant pas une science exacte.