Carnaval de Martinique 2024 : les Nèg gwo siwo, une tradition qui prend de l'ampleur dans le vidé

Reportage de François Marlin. ©Martinique la 1ère
Le phénomène prend un peu plus d'ampleur chaque année. Personnage emblématique du carnaval de Martinique, le Nèg gwo siwo est mis à l'honneur par des associations. Le public semble séduit. Plus de 1000 personnes ont défilé couvert de sirop dans les rues de Fort-de-France ce Mardi gras (13 février).

"Libérez le siwo", scandent les Nèg gwo siwo sur cette artère du centre-ville de Fort-de-France. Ils sont plusieurs centaines la tête attachée et le corps enduit d'une mixture noire à l'odeur de sucre.

À leur approche, le parcours se libère automatiquement. Nul ne souhaite être touché, ni même frôlé par eux, par crainte de se faire salir. C'est pour cela que par le passé, les Nèg gwo siwo avait la tâche de réguler les passants afin de permettre aux groupes d'avancer.

Je me suis dit que c'est quelque chose à faire au moins une fois dans sa vie. Chaque année, je voyais et je me suis dit pourquoi pas.

Participant

Les Nèg gwo siwo à Fort-de-France.

J'aime ça ! C'est un moyen d'expression, de liberté, de montrer qui nous sommes... On fait tomber les masques et c'est que du bonheur.

Participant

Une préparation minutieuse

Plusieurs heures avant ce déboulé, le groupe s'est préparé sur la plage de la Française. Le pagne n'est plus, mais les participants sont tout de même peu vêtus. Brassière, short ou encore body, la couleur noire est le maître mot.

J'ai choisi cette tenue pour être à l'aise, confortable et libre de mes mouvements. Tenue noire parce que le sirop va probablement adhérer ou tacher. Je veux également avoir le moins de tenus possible pour avoir le maximum de sirop sur le corps et représenter le Nèg gwo siwo au maximum.

Participante

Un sirop épais est appliqué sur le corps des particpants.

Pour obtenir cette robe odorante, deux étapes sont indispensables. En premier lieu, se couvrir de corps de poudre de charbon. L'association distribue de petits sachets tout prêts.
Puis, de petites mains appliquent un sirop de batterie bien épais et visqueux qui scelle la suie et donne l'aspect luisant.

D'énormes fûts du précieux "gwo siwo" ont été préparés à l'avance. Mais nous n'en saurons pas plus, la recette exacte est maintenue secrète par l'association.

Au fil des années, nous avons travaillé notre sirop de façon que cela soit plus confortable et attirer plus de monde à notre cause. Cela sort avec de l'eau. Nous avons coutume de prendre un bain de mer à la Française pour un premier nettoyage puis une douche pour terminer de nous rincer.

Samuel Chroné, "Samo", leader de Madou Siwo

Préparation des Neg Gwo Siwo sur la plage de la Française.

Pour cette édition 2024, l'engouement est certain. Selon l'association, 1 200 bracelets ont été vendus rien que pour la journée du Mardi gras.

En surface on a l'impression que c'est uniquement pour le divertissement, mais nous véhiculons la tradition et cela passe par l'historique du Nèg gwo siwo, l'identité et l'envie de transmettre l'histoire de nos ancêtres. Les jours gras, s'enduire de sirop, c'est une façon aussi de commémorer et de faire ce devoir de mémoire.

La légende dit que l'esclave en fuite s'enduisait de gwo siwo afin de fuir la plantation et retrouver la liberté dans la forêt. Devenu un hommage dans le carnaval des Antilles-Guyane, un personnage similaire est appelé "Mas-a-Kongo" en Guadeloupe et "Nèg’marron" en Guyane. Pour ce dernier la mixture est composée de charbon et d'huile.