800 ou 700 kilomètres carrés ? C’est la superficie qu’atteindra la Martinique d’ici une génération, au lieu des 1 100 kilomètres carrés d’aujourd’hui. Notre île risque de perdre un tiers de sa surface. L’érosion de nos côtes n’est plus une hypothèse, mais une réalité. Sur le littoral bordant la mer des Caraïbes, ces trente dernières années, les plages du Prêcheur ont reculé de 30 à 50 mètres, aux Abîmes en particulier. Au Carbet, la plage de l’Anse Turin (ou des Raisiniers) et celle longeant le bourg, ne cessent de reculer.
La mer remplace peu à peu le sable à Bellefontaine, Case-Pilote, Schoelcher, Anses d’Arlet. Le littoral bordant l’océan Atlantique n’est pas en reste. Le cimetière de Basse-Pointe surplombant la mer va incessamment s’effondrer dans les flots. Le port de Grand Rivière est définitivement ensablé. Celui du Vauclin n’est pas en reste.
Le sable recule devant la mer partout sur Terre
Le réchauffement du climat, l’urbanisation et l’occupation humaine de la bande côtière expliquent ces modifications irréversibles de nos écosystèmes. Sur le site internet de la Direction de l’environnement (DEAL) nous apprenons que chaque année, la mer gagne en moyenne 1 mètre sur le littoral. Certaines plages ont perdu 120 mètres de large.
Il y est également dit que des chroniqueurs des XVIIIe et XIXe siècles ont décrit des plages d’une largeur moyenne de 150 mètres. Il était même possible, paraît-il, de relier à pied Trinité au Carbet en empruntant la vaste bande de sable entre la terre ferme et la mer.
L’érosion affecte toute la Caraïbe insulaire et continentale. En Floride, des quartiers entiers de Miami seront engloutis par l’océan dans la décennie à venir. La submersion des rivages est déjà à l’œuvre dans plusieurs archipels lointains : Kiribati et Tuvalu dans le Pacifique sud ; Maldives, La Réunion, Seychelles et Maurice dans l’océan Indien.
Des solutions encourageantes mais insuffisantes
Nos scientifiques ont mis au point des méthodes pour fixer le sable des plages et retarder la montée des eaux. Par exemple, planter des espèces propres à notre île comme le raisinier, l’aloé vera ou la patate bord de mer. Des résultats encourageants ont été observés. Seront-ils suffisants pour arrêter la progression de la mer ? Rien n’est moins sûr.
C’est la raison pour laquelle plusieurs maires préparent déjà des solutions pérennes. À savoir, délocaliser les activités économiques, les services publics et les logements. L’intérieur des terres, spécialement sur les hauteurs de nos mornes est encore faiblement peuplé. Il faudra bien se résoudre à y déménager et donc, à devoir vivre dans d’autres lieux pour l’instant inoccupés dans les 25 communes concernées par l’érosion côtière.
L’exemple de la ville du Prêcheur est éloquent à ce sujet. Son maire, Marcelin Nadeau, coprésident du parti Péyi-a, a initié depuis une demi-douzaine d’années une vaste réflexion en concertation avec la population. Une série d’actions pratiques est désormais mise en œuvre pour transformer le visage de la commune. Le choix sera simple pour nous et pour nos descendants. Soit nous changeons nos habitudes de vie, soit nous sommes engloutis par la mer.