Coronavirus et vaccination aux Antilles : des patients regrettent de s’être laissé berner par les réseaux sociaux

Infirmières et malades au CHUM.
Stéphanie Mulot professeure des universités en sociologie, recueille des témoignages de patients et de soignants sur la dramatique crise sanitaire qui affecte la Guadeloupe. Les informations sont très instructives pour la Martinique qui déplore aussi de nombreux décès à l'hôpital.

Stéphanie Mulot, professeure des universités en sociologie, a proposé ses compétences au Centre Hospitalier de la Guadeloupe pour mener une étude sous forme d'entretiens, auprès du personnel soignant et des patients qui développent des formes sévères du coronavirus. 

Les premiers constats de cette étude (en cours) intéressent les populations de Guadeloupe et de Martinique où l'on déplore encore entre 5 et 10 décès par jour à l'hôpital. Les patients sont désorientés face à l'ampleur de la covid-19 dans nos territoires.

Stéphanie Mulot professeur des universités en sociologie.

Mauvaise interprétation du risque

 

Les personnes pensaient qu'elles s'étaient refroidies et n'ont pas pensé à la covid-19.

 

Sur cette base elles ont pris des thés pour soigner le refroidissement pendant 2, 3 jours ce qui n'a pas donné lieu à amélioration.

 

À partir de ce moment-là elles sont allés chercher sur les réseaux sociaux des recettes à base de Rimèd Razié, des suppléments alimentaires. Elles ont pris des vitamines C, des vitamines D. Parfois du zinc, de l’herbe à pic et n’ont pas vu forcément d’amélioration puisqu’il  s’agit souvent de personnes qui ont des comorbidités (hypertension, diabète, surpoids…).

 

Elles sont particulièrement concernées par ce virus mais certaines n’ont pas eu l’impression qu’elles prenaient des risques et se sont retrouvées dans un état assez dégradé au bout de six jours.

 

C’est dans cet état de dégradation que les personnes concernées ont appelé les secours…

Stéphanie Mulot, professeure des universités en sociologie

 

Défiance vis-à-vis des scientifiques 

Les personnes ont suivi ce qu’il y a sur les réseaux sociaux. Elles ont cru que le recours à la pharmacopée locale allait les aider mais elles ont perdu des jours de prise en charge.

 

Parfois c’est aussi parce qu'elles n’ont pas de médecin traitant et elles ne se sont pas perçu elles-mêmes comme étant des personnes à risques.

 

Elles arrivent très dégradées à l'hôpital ce qui diminue leur chance de survie par rapport à la maladie. 

Stéphanie Mulot,

 

Remords et colère contre les réseaux sociaux

 

Lorsque l'on demande quelle était leur position par rapport au vaccin, certains restent réfractaires mais la majorité que j’ai rencontrée a exprimé de la colère.

 

Les gens sont en colère contre le fait que les réseaux sociaux ont diffusé des intox, des fake news, des informations fausses sur ce qui se passe à l’hôpital. Des informations fausses concernant la pandémie. Ils sont en colère de s’être laissé influencer, de s’être laissé berner.

 

Qu’on ait pu leur mentir sur la réalité en minimisant l’épidémie. En disant que c’était une dengue ou autre chose. Ils sont en colère de ne pas s’être fait vacciner. Ils sont en colère d’avoir mis leur santé en danger parce qu’ils ont suivi des bêtises et des gens qui ont influencé leur décision.

 

Cette colère est profonde car ce sont des gens qui savent que leur vie est en danger .

Stéphanie Mulot

 

Stéphanie Mulot raconte une anecdote glaçante. Elle fait référence à un patient de 36 ans rencontré cette semaine, qui disait qu’il s’en voulait de ne pas être allé rapidement se faire vacciner. Qu'il a une famille, des enfants. Qu’il veut vivre. Qu’il a commencé à faire construire sa maison. Qu’il a une entreprise…"J’ai appris son décès aujourd’hui (28 août 2021)", révèle la scientifique avec la gravité de circonstance.

Appel au bon sens

 

Je voudrais dire aux personnes particulièrement vulnérables, qu'il est important dès les premiers symptômes de consulter un médecin ou de faire un test. (…) Que la conscience augmente face à la situation assez catastrophique que nous vivons aujourd’hui.

 

Stéphanie Mulot est intervenue dans le journal de Guadeloupe la 1ère du samedi 28 août 2021.