Frantz Fanon, une œuvre d’une brûlante actualité

Raphaël Confiant vient de publier chez Caraïbéditions L’insurrection de l’âme. Frantz Fanon, vie et mot du guerrier-silex, un livre en hommage au psychiatre et militant révolutionnaire, Martiniquais de naissance, Algérien d’adoption.
En quoi Fanon est-il encore actuel ? A lire Raphaël Confiant, auteur d’un livre magistral sur la vie et l’oeuvre de l’un des penseurs majeurs du siècle dernier, il y a au moins trois raisons. Tout d’abord parce qu’une bonne partie de sa courte vie interrompue par la maladie à l’âge de 36 ans, reste largement inconnue. Ensuite parce qu’il a été un médecin psychiatre. Enfin, novateur parce que contrairement à la légende, il n’était absolument pas partisan de la violence, en tant qu’humaniste.
 
Frantz Fanon n’a pas 20 ans quand il s’engage dans les FFL (Forces Françaises Libres) en 1944 pour aller combattre les nazis. Il est l’un de ces 4 500 jeunes femmes et hommes de Guyane, Guadeloupe et Martinique disposés à porter leur contribution à la libération de la mère-patrie. Aucun ne remet en cause l’éducation reçue à l’école et à l’église, à cette époque où l’appartenance à la France ne pose aucun problème de conscience.

 
Une vie de ruptures

Blessé, décoré, il revient brièvement au pays avant de partir à Lyon y étudier la médecine. Diplômé, il s’installe au Vauclin mais renonce, accablé par le conservatisme de ses confrères. Nouveau départ pour Lyon et la Lozère, dans un coin perdu de la France rurale où il suit avec succès les leçons du Professeur Tosquelles, inventeur d’un traitement révolutionnaire de soin aux malades mentaux.
 
Sa thèse de fin d’études est refusée par le jury. Il est contraint d’en écrire une autre avant la date limite en quelques mois. Ce qui ne l’empêche pas de publier le travail original sous le titre " Peau noires, masques blancs" en 1952. La description du racisme de peau que cet essai propose reste d’une brûlante actualité.
 
La psychiatrie sera sa voie. Nommé en 1953 à l’hôpital de Blida, dans l’Algérie coloniale, il mesure le racisme primaire de ses confrères qui tiennent les natifs du pays pour des primitifs. Sa révolte se transcende dans l’application de la social-thérapie apprise avec son mentor Tosquelles. Ses résultats positifs étonnent et dérangent sa hiérarchie.
 

Fanon a pris le risque de l’engagement

En revanche, son intégration au sein de la population de l’Algérie en  guerre pour son indépendance est signalée aux dirigeants du Front de libération nationale, le FLN. Sa vie bascule à nouveau en 1956. Il quitte Blida pour Tunis, la base arrière du FLN. Rédacteur de la version en langue française du journal d'El Moudjahid et ambassadeur itinérant du FLN, Frantz Fanon déploie une activité débordante.
 
Désormais, il doit lutter avec la leucémie. Entre deux phases de rémission, il représente le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) dans les instances internationales, prononce des conférences ici et là et rédige son dernier essai, Les Damnés de la terre. Le livre sera publié quelque temps avant son décès survenu à l’hôpital militaire de Bethesda, dans le Maryland, près de Washington, durant la froide nuit d’hiver du 6 décembre 1961.
Pour comprendre Fanon
Tous les livres de Frantz Fanon ont été réédités à de multiples reprises, dans de nombreuses langues de par le monde :
• Peau noire, masques blancs, Le Seuil, 1952
• L'An V de la révolution algérienne, Maspéro, 1959
• Les Damnés de la Terre, Maspéro 1961
• Pour la révolution africaine. Écrits politiques, Maspéro, 1964

Parmi les nombreux ouvrages consacrés à Frantz Fanon :
• Raphaël Confiant, L’insurrection de l’âme. Frantz Fanon, vie et mot du guerrier-silex, Caraïbéditions, 2017
• Daniel Boukman, Frantz Fanon. Traces d'une vie exemplaire, L'Harmattan, 2016
• Frantz Fanon. Recueil de textes introduit par Mireille Fanon-Mendès-France, éditions du CETIM (Centre Europe-Tiers Monde, Genève), 2013
• André Lucrèce, Frantz Fanon et les Antilles. L’empreinte d'une pensée, Le Teneur, 2011
• David Macey, Frantz Fanon, une vie, La Découverte, 2011
• Pierre Bouvier, Aimé Césaire et Frantz Fanon. Portraits de (dé)colonisés, Les Belles Lettres, 2010
• Christiane Chaulet-Achour, Frantz Fanon, l'importun, Editions du Chèvrefeuille étoilée, 2004
• Joby Fanon, De la Martinique à l'Algérie et à l'Afrique, L'Harmattan, 2004
• Alice Cherki, Frantz Fanon. Portrait, Le Seuil, 2000