Le gouvernement confirme la responsabilité de l’Etat dans le scandale du chlordécone

La ministre des Outre-mer, Annick Girardin
L’audition de la ministre des Outre-mer par la commission Letchimy, mardi 15 octobre 2019, a confirmé le souhait du gouvernement de tirer au clair les circonstances du scandale du chlordécone. Il reste à passer de la parole aux actes.
"Nos concitoyens se sont sentis oubliés, se sont sentis trahis par un Etat dont la mission est de protéger la population". Le propos de la ministre des Outre-mer est terrible. Devant les membres de la commission d’enquête parlementaire, elle admet que la puissance publique a manqué de vigilance et de fermeté pour empêcher la survenue du scandale du chlordécone.

Interpellée par le député Serge Letchimy, président de la commission, Annick Girardin admet : "La responsabilité de l'État est reconnue et engagée". Une responsabilité partagée avec les fabricants du pesticide, avec ses acheteurs et ses utilisateurs. Et aussi avec les socioprofessionnels et les élus qui ont permis son utilisation après son interdiction en France.
 

Des responsabilités partagées mais l’Etat ne se défausse pas


Les propos de la ministre illustrent un certain courage. Ce gouvernement hérite d’une situation léguée par des gouvernements socialistes des années 1990. Trois ministres de l’Agriculture ont autorisé la prorogation des achats du produit : Henri Nallet, Louis Mermaz, Jean-Pierre Soisson. Le ministre des DOM-TOM était Louis Le Pensec.

Toutefois, les gouvernements précédents connaissaient la vérité sur la molécule. Il y a un an jour pour jour, au colloque scientifique international sur le chlordécone tenu en Martinique et en Guadeloupe, le professeur Luc Multigner l’affirmait. Pour lui, dès 1981, les autorités sanitaires françaises étaient informées de la toxicité du Kepone.

Auteur de plusieurs études sur la pollution à ce produit, il soulignait l’étendue des connaissances scientifiques sur le sujet dès 1975. Le danger de la molécule était à ce point connu que les autorités fédérales des Etats-Unis ont interdit sa fabrication et sa vente en 1976.
 

Un premier obstacle a été franchi


L’attitude de la ministre des Outre-mer tranche singulièrement avec celle de son homologue de la Santé, la veille. Agnès Buzyn a promis des efforts redoublés en matière de recherche. Elle a confirmé le financement d’un programme à l’Institut National du Cancer (INCA). Les scientifiques souhaitant travailler sur le chlordécone y seront incités. "Cette histoire dure depuis trop longtemps. Je pense qu'il faut en faire une priorité stratégique" a déclaré la ministre.

Mieux vaut tard que jamais ! Alors présidente de cet organisme public, elle avait suspendu la recherche de financements pour l’étude Madiprostate. Ce programme devait être réalisé par l’équipe de l’étude Karuprostate en Guadeloupe. Laquelle a révélé en 2010 le facteur aggravant du chlordécone dans le cancer de la prostate.

Il faudra expliquer, un jour ou l’autre, les raisons pour lesquelles ce produit dangereux a été légalement importé, en toute connaissance de sa nocivité. Il appartient à l’Etat de contribuer à éclairer ce point de notre histoire contemporaine. Il y va de sa crédibilité. Notre soif de vérité n’a d’égal que notre soif de justice.