Nous parlons aujourd’hui librement et passionnément de l’abolition de l’esclavage de 1848. Nous avons pris l’habitude depuis quatre décennies de commémorer cet événement fondateur de la construction du peuple martiniquais. Il y a même un jour férié instauré en 1983, le 22 mai, durant lequel nous sommes invités à nous imprégner de ce moment essentiel de notre histoire.
Quelques statues glorifiant le nèg mawon existent dans quelques communes, trop rares, il est vrai. Plusieurs dizaines de livres ont été consacrés aux différentes dimensions de la vie de la Martinique durant l’époque où l’esclavage était le mode de production unique.
Quitte à la répéter, il convient de rappeler que cette liberté de ton et d’action dont nous bénéficions est largement imputable à un homme aussi modeste que son œuvre est imposante, Armand Nicolas.
Il laisse un héritage culturel considérable. Il est le premier historien révélant l’apport déterminant des luttes menées par les esclaves dans leur libération. Sa brochure publiée en 1964, au tire sobre, La révolution anti-esclavagiste de mai 1848 à la Martinique, suscite une floraison de recherches sur le sujet par des spécialistes d’ici et d’ailleurs.
Archéologue et historien passionné
Passionné d’archéologie, il a mis à jour nos connaissances sur les Arawaks. Nous lui devons également, entre autres livres sur l’affaire Aliker ou l’insurrection de septembre 1870, une Histoire de la Martinique en trois tomes publiés aux Editions L’Harmattan.
L’héritage d’Armand Nicolas est aussi d’ordre politique. Militant communiste, il est conseiller municipal de Fort-de-France aux côtés d’Aimé Césaire, puis adjoint au maire de Saint-Esprit Georges Fitt-Duval. Il est l’un des membres fondateurs du Parti communiste martiniquais, en septembre 1957, quelques mois après la démission de Césaire, à la suite de l’invasion de la Honrie par les troupes du Pacte de Varsovie menées par l’Union soviétique.
En dépit de leurs divergences, Armand Nicolas et Aimé Césaire se rejoignent sur la critique du nouveau statut départemental, que les communistes, alliés aux socialistes, avaient appelé de leurs vœux en 1946. Les réalisations de la départementalisation ne sont pas à la hauteur des aspirations populaires, expriment-ils chacun de leur côté.
Elu disponible et déterminé
Secrétaire général du PCM jusqu’en 1992, Armand Nicolas est le premier président de la commission de l’éducation et de la formation de la région Martinique dans la majorité conduite par Camille Darsières, de 1983 à 1992. Il est à l’origine de la construction des lycées d’Acajou et de Rivière-Salée. Il a également œuvré pour développer la formation continue des adultes et généraliser l’apprentissage.
Demeuré fidèle à son engagement de jeune homme, il paie chèrement sa rectitude idéologique. Professeur d’histoire, il est radié de la fonction publique en 1961 après avoir refusé sa mutation d’office. Une décision prise en application de l’ordonnance d’octobre 1960 visant à éloigner tout fonctionnaire exprimant son désaccord avec la politique gouvernementale. La même mesure frappe ses trois camarades du PCM Georges Mauvois, Walter Guitteaud et Guy Dufond. Il est réintégré en 1975 après une amnistie.
Parmi les nombreux rendez-vous majeurs auxquels il a participé, mentionnons la Convention du Morne-Rouge tenue en août 1971. Il a été un artisan essentiel de la tenue de cette rencontre des formations politiques et syndicales autonomistes des quatre départements d’outre-mer.
Il est des hommes, ou des femmes, dans un pays, qui, humblement mais fermement, en souriant face à l’adversité, se posent en pionnier, en ouvreur de voie, et aussi, avec et au nom du peuple, en porte-voix. Armand Nicolas est de ceux-là.