Jamaïque : les habitants n'ont pas accès à la quasi-totalité des plages du pays

A Montego Bay, au nord de la Jamaïque, les hôtels et les villas occupent les plages de la commune.
À la Jamaique, près de 358 km des zones côtières sont des plages de sable fin et 278 km sont des rivages de galets. Mais la population n’a que 7 km de libre accès à ce littoral. Les hôtels, les villas et les résidences privées, occupent la majorité de ces espaces en toute légalité.

En Jamaique, l’idée de passer une journée à la plage est devenue presque impossible pour la majorité des habitants. Avec le développement galopant de l’industrie touristique, les plages ont été privatisées selon la législation en vigueur.

Les marins-pêcheurs et les familles jamaïcaines de certaines communes ne peuvent plus accéder aux rivages de proximité, car les lois favorisent les propriétaires privés qui ont les droits exclusifs pour la plupart des sites balnéaires du pays. On peut même détruire les mangroves, sans être inquiété.

L'une après l'autre, les plages sont privatisées. Les promoteurs n'ont aucune obligation envers les habitants pour accéder à ces lieux de détente. Seuls les marins-pêcheurs peuvent traverser pour accéder à leurs bateaux. Mais ils n'ont pas le droit de se baigner ou se promener.

Priorité au tourisme

L’industrie touristique rapporte 50% de recettes en devises du pays. Selon les chiffres officiels, 3,3 millions de visiteurs ont choisi la Jamaique en 2023. Ce chiffre est plus important que la population du pays estimée à 2,8 millions d’habitants actuellement.

Les villas, les hôtels et les résidences privées poussent comme des champignons. Les plages sont privatisées par l’Etat jamaïcain, pour s'accommoder aux demandes des promoteurs. Ces derniers veulent réserver ces espaces uniquement aux clients des complexes.

Selon le modèle économique actuel, la loi estime que les Jamaïcains et les touristes ne peuvent pas partager les mêmes plages.

 Docteur Devon Taylor scientifique environnemental et défenseur de la justice sociale

Une pétition pour changer la législation

Docteur Devon Taylor est président de JABBEM, un mouvement environnemental pour le droit natal d’accès aux plages de la Jamaïque. Il demande que les lois "racistes et discriminatoires" qui remontent à l'époque coloniale, soient modifiées. Il ne peut plus accéder à cet endroit de son enfance situé sur la côte nord du pays, à Ocho Rios.

"II y a 20 ans, les familles jamaïcaines profitaient du lieu en toute liberté" regrette-t-il. Aujourd’hui, seuls les étrangers et les jamaïcains ayant les moyens financiers, peuvent y accéder.

JABBEM a donc lancé une pétition en ligne, demandant au premier ministre, Andrew Holness et au Roi Charles de la Grande-Bretange (l’actuel chef d’État de la Jamaique), de "réviser la législation". JABBEM demande également aux touristes britanniques de "boycotter les hôtels qui refusent l’accès aux plages aux jamaïcains".

La chaîne de télévision Al Jazeera a tourné un documentaire sur cette situation.

Soutien de la famille de Bob Marley

Aujourd’hui les enfants de Bob Marley (l'artiste jamaïcain le plus connu dans le monde), soutiennent le travail du JABBEM.

Leur engagement s'est renforcé lors de l'annonce d’un projet touristique sur la plage qui porte le nom de la star du reggae, située près de la capitale, Kingston. Bob avait l’habitude de fréquenter ce spot.

La Jamaïque, Bob Marley Beach située près de la capitale Kingston, fréquentée par la chanteur de reggae avant sa mort.

Un promoteur veut même expulser la communauté rastafarienne qui vit sur ce bord de mer depuis 50 ans et y réserver l’accès uniquement aux clients.

De leur côté, Ziggy, Cedella et Stephen Marley, demandent au gouvernement de favoriser la venue des habitants sur toutes les plages de l'Etat insulaire, "sans exception".

Le peuple demande l’accès inconditionnel à ses plages et une protection constitutionnelle pour l’utilisation de la mer et des rivières. Faites entendre vos voix. L’accès aux plages et aux rivières est un droit fondamental. Certains espaces ne peuvent pas être privatisés.

Ziggy Marley sur son compte Instagram

Ziggy Marley soutien également les actions du groupe JABBEM, pour faire changer les lois.

 

Complicité des gouvernements jamaïcains

L'histoire a retenu que les gouvernements successifs ont décidé de maintenir les lois colonialistes qui datent de 1956, concernant l’accès public aux plages et aux rivières. Depuis l’indépendance en 1962, ces lois qui donnent tous les droits aux propriétaires privés, n’ont jamais été abrogées. Les amendements proposés de nos jours, n'ont pas encore été ratifiés par l'actuel exécutif.

La Jamaïque est du reste, l’un des rares pays de la Caraïbe à maintenir encore cette disposition, laquelle pénalise ses citoyens.