C'était au début du mois d'août de l'année 1980. L’entame d’un week-end qui va virer au cauchemar pour un couple de jeunes mariés installé sur la commune du Saint-Esprit. Jeanne Gilot avait alors 29 ans.
Mon mari et moi sommes partis au François pour faire des courses. Arrivé à l'entrée du bourg, je vois de la fumée. J'ai dit à mon mari, ma maison brûle. On nous avait remis les clés au mois de novembre et la maison à brûlé au mois d'août. Ça nous a fait un gros choc. Tout le monde avait peur parce que j'étais enceinte. La perception était juste à côté et les personnes disaient "zot ka rouzé la persepsion zot pas ka tué difé madanm-lan" (vous arrosez la perception, mais vous ne sauvez pas la maison de la dame).
Jeanne Gilot, victime de l'incendie
Julia, 13 ans, habitait dans une rue parallèle à celle de la maison du couple Gilot. L’adolescente de l’époque est le premier personnage mentionné dans la ritournelle "La joie de vivre".
C'est ma propre histoire. Un vendredi, je vois une grosse boule de feu. Ada dormait. Je l'ai réveillé parce qu’à 13 ans je n'avais pas le droit de traverser la rue. Je n'avais même pas le droit d'être sur le trottoir. Je lui ai dit, "Ada fok nou alé" (Ada nous devons partir). Je suis sa nièce. Il a toujours vécu avec nous, il nous gardait. Je pense que c'était plus facile pour lui de dire "ti sè mwen-an" (ma petite sœur) que ma nièce.
Julia, nièce
Une histoire vraie
Joseph Agnès, dit Ada, aime fredonner et siffloter. Une quasi constante pour l’employé municipal qui est qualifié de "bon vivant" par sa nièce. "Ada, c'est quelqu'un qui chantait tout le temps. Au carnaval, il chantait, à Noël aussi. C'est quelqu'un qui sifflait beaucoup et qui avait, je trouve, un bon timbre de voix", raconte-t-elle.
Le texte est composé à l’intention spéciale des sinistrés. C'est l'auteur lui-même qui l'a dit à Jeanne Gilot.
Au cours d'une sortie avec une association du Saint-Esprit, nous étions dans le car, il nous a appelés. Il m'a dit "manzelle Boulanger mwen ka chanté an ti chanson ba'w, sé ba'w mwen fè-y" (madame Boulanger [NDLR nom de jeune-fille] je chante une chanson que j'ai écrit pour toi) et puis il a commencé à chanter cette ritournelle "an vandredi apré midi" et effectivement c'est bien un vendredi après-midi qu'il y avait eu le feu. Il y avait aussi un refrain, "la joie de vivre", qu'il a également créé. Il a fait un mix des deux. Ça m'a fait chaud au cœur. Il chantait très bien. Mais malheureusement à cette époque il n'y avait pas tellement de moyens d'enregistrer.
Jeanne Gilot
Il faudra attendre 1995 et l’enregistrement du premier des dix albums du groupe Ravine-Plate pour que le titre soit enregistré. "La Joie de vivre" est certainement la ritournelle culte du groupe vauclinois.
Lorsque nous étions jeunes, avant le groupe Ravine Plate, nous nous retrouvions chez Leger à Dostaly avec une bande d'amis du François, du Vauclin, du Saint-Esprit. Il y avait Ada. C'est un compositeur qui est resté dans l'ombre. C'est lui qui a composé "La joie de vivre", c'est sa création.
Lorsque nous avons enregistré notre premier CD. Pour "dans le calme de la nuit", c'est une autre ritournelle qui était prévue, "si mwen mó téré mwen djol en ba tono-a" (si je meurs enterrez moi la tête en dessous du tonneau). Mais alors que nous répétions le morceau avant l'enregistrement, quelques gars ont entonné "la joie de vivre". Le producteur, surpris, nous a finalement dit de tester cette version. Nous avons chanté. Je lui ai dit que nous n'allions pas enregistrer tout de suite afin de faire Ada chanter sur le morceau. Mais le producteur était pressé. Je voulais qu'il participe à l'enregistrement. Un grand bravo à ce monsieur.
Saimbert Troudart, chanteur lead et président association Ravine Plate
Véritable hasard, Julia qui était devenue entre-temps la compagne du directeur artistique du groupe Ravine Plate, a pu échanger avec les membres du groupe.
C'est un drôle de hasard. Lorsque je l'ai rencontré, la première chose que je lui ai dite c'est : "vous chantez la ritournelle de mon oncle". Il m'a dit que Simbert a récolté plusieurs ritournelles et il a fait des compositions avec. Nous sommes très contents parce que cela immortalise Ada. Pour nous, il sera toujours vivant
Julia, nièce
Joseph Agnès alias Ada n’est plus de ce monde depuis 26 ans. Ses amis de l’Association "Joie de Vivre-Joie de Jouer", une bande footeux-fêtards aimeraient qu’un hommage lui soit rendu.
Pourquoi pas avec une prestation Ravine Plate en ouverture ou fermeture de saison à Saint-Esprit, diaporama à l’appui ? Qu’en pense Saimbert Troudart ? "Ce serait extraordinaire ! Pourquoi pas et plusieurs fois !", répond l'intéressé.