Pouvons-nous envisager une commémoration unitaire de l’abolition de l’esclavage ? Pour le 175e anniversaire de l’interdiction du travail servile dans les colonies françaises, est-ce trop souhaiter que cet événement soit considéré comme un moment de consensus ?
L’enjeu est de taille. Taire momentanément nos divergences habituelles et nos désaccords en tous genres n’est pas aisé. Mais pourquoi ne pas considérer que nous en avons besoin après ces dernières années de fracturation sociale sur fond de crise sociale et sanitaire ? Nous pourrions mettre à profit cette séquence pour nous réconcilier avec nous-mêmes, l’espace d’un moment de concorde.
Ne sont pas concernés uniquement nos dirigeants politiques, nos militants syndicalistes, nos responsables associatifs, nos intellectuels et nos chefs d’entreprises. Nos élites ne sont pas les seules à se concurrencer et à se quereller. A tous les étages de notre Martinique, chacun de nous a de bonnes raisons d’exprimer des points de vue différents sur toutes sortes de sujets.
Que voulons-nous réaliser collectivement ?
Et c’est heureux ! Notre diversité peut s’apparenter parfois à de la cacophonie, mais la confrontation d’idées est saine. Non pas la superposition de cancans ou l’accumulation de polémiques sans issue, mais le débat démocratique. Un débat dont le sujet pourrait être consacré, l’espace d’une année, à ce que nous voulons accomplir collectivement.
A y regarder de près, souhaiter l’unité pour commémorer l’interdiction de l’esclavage appelle à répondre à la question : savons-nous faire peuple ? De prime abord, la réponse est évidente. La réalité est plus complexe. Il suffit de constater notre difficulté à nous mobiliser sur des sujets essentiels.
Choisir entre telle ou telle option politique aux élections ? Abstention massive. L’avenir de la santé publique ? Indifférence générale. L’éducation de nos enfants ? Prudent désintérêt. Dès lors, évoquer des sujets méconnus comme notre histoire est hautement risqué.
Comment vivaient nos ancêtres ?
Nous avons une vague idée de ce qu’était la Martinique d’avant 1848. Nous ignorons encore les ingrédients de la vie quotidienne de nos ancêtres. L’alimentation, la santé, la créativité culturelle, la langue parlée, la production agricole, le commerce, la monnaie utilisée, l’architecture et le logement, la circulation de l’information durant cette période sont autant de thématiques encore méconnues.
Ce n’est pas faute pour plusieurs historiens d’avoir publié des livres et des articles sur ces sujets ces dernières décennies. Mais le savoir académique peine à diffuser dans toutes les couches de la société. L’ignorance produit certains raccourcis qui nous tiennent lieu de connaissances.
Si nous possédions une claire approche des principaux événements et personnages ayant émaillé notre histoire, nous aurions montré notre capacité à dépasser nos querelles et à affermir notre fierté.
Rien ne nous empêche de nous inspirer du génie de nos ancêtres, 175 ans après la révolution qu’ils ont su accomplir. Eux qui nous regardent auraient sûrement approuvé notre volonté de nous mettre d’accord pour aller tous ensemble vers le même but, comme ils ont pu le réaliser.