Place au Carnaval, un rituel populaire incontournable, du nord au sud du pays. Un moment d’action collective éphémère et quasiment obligatoire, véritable miroir du prosaïque de notre réalité sociale. Cette séquence de quelques semaines ponctuée par les Jours gras constitue un moment propice à l’expression sans limites de notre créativité et de notre inventivité.
Il est aussi une occasion de faire peuple, en pérennisant notre patrimoine culturel. Il n’y a qu’à voir l’engouement qu’il suscite dans les écoles. Son caractère d’éternité est bien marqué, de manière originale et vivace. Nos enfants le perpétuent avec joie et fierté, des notions à cultiver précieusement.
Le temps des masques est arrivé, un rituel que nul ne saurait manquer. Evénement populaire s’il en est, le moment des travestis est un incontournable de notre vie sociale, mieux, un marqueur d’identité. Certains revêtiront le costume du diable rouge, effrayant les naïfs. Ceux-là feront le nèg gwo siwo, fonçant dans le tas imposer leur autorité.
Le temps des masques est arrivé
Les Karolin zyé loli n’y verront que du feu. Elles risquent d’être déçues des promesses non tenues de bal masqué avec leurs prétendants, se transformant en un coup de rein en Mariàn lapo fig espérant leur prince charmant.
Dans le vidé, place à l’improvisation. Le défoulement autorise toutes les modalités de la liberté de ton : la dérision, pour se moquer des puissants ; la transgression, pour jeter par-dessus bord ses habitudes. La débauche de couleurs, l’explosion des sons, l’ivresse collective renvoient au souvenir de Saint-Pierre, patrie du Carnaval, à sa gloire passée, et à son éternel espoir de renaissance. Comme un clin d’œil à notre avenir collectif.
Se moquer des travers de notre société
Le Carnaval est aussi un moment propice aux excès de vulgarité. Ce que regrettent certains, selon leur échelle de valeurs morales. Ce qui nous amène à nous demander si le Carnaval est le contrepoint de nos règles de vie en société, n’est-il pas le moment idéal pour montrer et dénoncer les travers et les dérives de notre société ?
A peine la fête lancée, c’est déjà la fin avec le Mercredi des cendres.
Au pied du bûcher sur lequel Vaval est juché pour être incinéré, les lamentations des pleureuses - des hommes déguisés en femmes, bien sûr – sont vues comme hypocrites pour les uns, sincères pour les autres mais suscitant toujours compassion et tristesse de la foule assemblée pour la cérémonie finale du Carnaval.
Tout va rentrer bientôt dans l’ordre. Les normes sociales habituelles reprennent leur prééminence. Et les meilleurs souvenirs nourriront longtemps les carnavaliers. Chacun aura à cœur de montrer que nous savons vivre, en dépit des tribulations et des difficultés.
Chacun aura vécu, l’espace de quelques jours, une séquence durant laquelle nous savons nous montrer capables de nous dépasser, de nous sublimer, de montrer que nous sommes un peuple résilient. Mieux, invincible !