Paulette Nardal enfin mise à l'honneur comme 315 autres personnes qui ont contribué à faire vivre la République Française

Une liste de 315 personnalités a été remise au gouvernement mi-février 2021 dans le but d'encourager les élus locaux à renommer des rues ou ériger des statues en l'honneur des hommes et femmes qui ont choisi la France. Au point parfois de lui offrir leur vie depuis la Révolution française.

Un comité scientifique présidé par l’historien Pascal Blanchard vient de rendre au gouvernement une liste de 315 noms issus de la diversité ou des anciennes colonies.

Il s'agit (enfin) de rendre visibles ces personnalités, hommes et femmes, qui ont choisi la France, au point parfois de lui offrir leur vie.

Le chantier, lancé par le président de la République, Emmanuel Macron et conduit par la ministre Nadia Hai, arrive à son terme.

La liste de ces figures exemplaires, 315 depuis la Révolution Française, a été remise à la ministre cette semaine, avant qu’un site Internet et qu’un recueil téléchargeable ne permettent d’accéder librement à leurs fiches biographiques.

Ce travail doit permettre aux élus d’inscrire, dans l’espace public, ces vies exemplaires mais souvent oubliées.

Dessiner de nouveaux visages à la République

 

Les parcours de vie réunis dans ce premier recensement sont divers, tant pour eurs origines que pour les combats servis.

Artistes, militants, savants, écrivains, sportifs, chercheurs, soldats... ils ont inventé, imaginé, versé sang et larmes pour la République. Parfois, l’obscurité a enveloppé leur histoire. Parfois au contraire, c’est la lumière crue de la célébrité qui a effacé leurs premiers pas d’étrangers ou d’immigrés.

La Croix. 11 février 2021.

 

Paulette Nardal, pionnière de la négritude



Elle fut l’une des premières à dénoncer les zoos humains, à exposer la difficulté d’être "femme" et d’être "noire".

L’histoire de Paulette Nardal commence à la toute fin du XIXe siècle, dans une famille de la petite bourgeoisie martiniquaise, très proche de l’église et des dominicains.

Paul Nardal, son père, est ingénieur en travaux publics, diplômé des arts et métiers. L’un des premiers Noirs à occuper un tel poste, sans doute le premier en Martinique.

Sa femme, la mère de Paulette et de ses six plus jeunes sœurs, est institutrice et pianiste accomplie.

Chez les Nardal, on préfère la valse à la biguine des bals et des mariages. Paulette étudie le piano,
puis le violon, jusqu’à intégrer un orchestre.

Comme sa mère, elle devient institutrice. Une existence légère, avant un premier virage soudain. À 24 ans, Paulette décide d’aller étudier, seule, à Paris.
 
Rares sont les femmes à intégrer l’enseignement supérieur dans ces années 1920. Elle est la première femme noire et antillaise. À la Sorbonne, elle suit des études d’anglais, bientôt rejointe par sa sœur Jane qui s’inscrit en littérature.

Dans ses mémoires, elle s’attarde peu sur son choix de venir "en métropole", comme on dit à l’époque. Peut-être un désir de fuir la société coloniale antillaise. Ou le goût de la liberté, forgé par les discussions entre artistes et intellectuels qui se succèdent à la table familiale. Mais ce qu’elle décrit précisément, c’est le choc à son arrivée.

"Quelque chose a éclaté", se souvient-elle. "Nous avons pris conscience de notre différence. À ce moment-là, nous nous sommes éloignées, peut-être sans en avoir pleinement conscience, du modèle blanc".

Césaire et Senghor ont repris les idées que nous avions brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d’étincelles... nous n’étions que des femmes ! Nous avons balisé les pistes pour les hommes. Il est peut-être bon, même si cette influence n’a pas été, à leur avis, décisive, de leur rappeler que ces idées ont eu des promotrices qui, malheureusement, étaient des femmes".

Paulette Nardal (1970).


Sa thèse, elle la consacre à l’écrivaine abolitionniste Harriet Beecher Stowe. "On ne fait pas un diplôme d’études supérieures sur La Case de l’oncle Tom! " s’étrangle son directeur.

Forcée d’élargir son sujet, Paulette tient bon : elle traite, pour la première fois dans un mémoire académique, du sujet "racial".

En 1939, la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France surprend Paulette Nardal en Martinique. Elle décide de retourner en France, mais le bateau qui l'y conduit est torpillé.

Pendant un an, elle reste hospitalisée à Plymouth, sous les bombardements, avant de rentrer définitivement aux Antilles. Lourdement handicapée, atteinte d'un stress posttraumatique, elle souffrira de cette blessure à vie.

Contrainte, elle réduit ses activités, mais fonde néanmoins à la fin de la guerre le Rassemblement féminin, un mouvement pour inciter les Martiniquaises à exercer leur droit de vote récemment acquis.

Paulette Nardal oubliée de l'histoire de France enfin mise à l'honneur comme 315 autres personnes qui ont contribué à faire vivre la République Française.

Elle crée un nouveau journal, la Femme dans la cité, travaille ponctuellement pour les Nations Unies. Au pays, les sœurs Nardal tentent de populariser l'art noir découvert à Paris.

Peine perdue, selon Paulette : "Je me souviens qu'à son retour, ma sœur Jane a essayé de faire une conférence sur les negro spirituals. Elle s'est heurtée à une telle incompréhension qu'elle a presque perdu contenance".

Les engagements féministes et antiracistes, la détestation virulente du communisme, la ferveur catholique : Paulette Nardal rentre difficilement dans une case idéologique.

Et cela déplaît : en 1956, un inconnu jette une torche enflammée par la fenêtre de sa maison.

À la fin de sa vie, son œuvre fait l'objet d'une reconnaissance tardive.

Senghor cite, enfin, son influence. Ses travaux suscitent un regain d'intérêt, particulièrement aux États-Unis.

Paulette Nardal a crée La Revue du Monde Noir.

L'intégrale de la Revue du monde noir est rééditée en 1992. Et cette année, deux rues, à Paris et à Clamart, prendront les noms de Paulette et Jane Nardal.

(Re)voir l'inauguration à Paris 14e de la Promenade Jane et Paulette Nardal le 31 août 2019.

Hommage à Paulette Nardal ©Familles Achille et Nardal