Présidentielle 1981 : la Martinique vote à contre-courant

Scène de vote en Martinique.
Plus que neuf semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle. Bref retour dans un proche passé, avec l’évocation de l’élection de 1981 et l’arrivée de la gauche aux affaires.

La Martinique vote à contre-courant en 1981. François Mitterrand est élu président de la République pour sa deuxième tentative face à Valéry Giscard d’Estaing avec 51,8% des voix. Mais, ici, il n’obtient que 19,4% des suffrages. Au premier tour, le candidat socialiste avait recueilli 25,8% des voix dans toute la France et 12,2% en Martinique, deux fois moins.

Il est vrai que notre climat politique est dominé par la peur du largage, depuis deux décennies. La droite prend un malin plaisir à mettre en avant le Programme commun de gouvernement signé en 1972 par le Parti socialiste, le Parti communiste et le Mouvement des radicaux de gauche.

Dans son chapitre 6, ce programme évoque le droit à l’autodétermination des peuples colonisés des départements et territoires d’Outre-mer, en clair l’indépendance. C’en est trop pour une fraction des socialistes locaux. Ils rejoindront Valéry Giscard d’Estaing et son Union pour la démocratie française (l’UDF), président de la République depuis 1974. Ils opèrent la jonction avec les militants gaullistes.

Climat électrique et mutations profondes

La lutte idéologique est extrêmement vive entre ces partisans du maintien dans la France et leurs adversaires militant pour l’autonomie. Alors que la toile de fond est aux oppositions politiques, les conditions de vie de la population se modifient sensiblement.

Le Bumidom, une agence d’Etat chargée de favoriser l’émigration vers la France des jeunes sans emploi, présente un bilan positif. Cette agence a contribué à contenir le chômage et le sous-emploi qui restent tout de même à des niveaux élevés.

Les écarts de revenus entre la fonction publique et les entreprises privées sont conséquents. Ce qui provoque de fréquents conflits sociaux visant à l’amélioration des conditions de travail et à l’augmentation des salaires.

La santé globale de la population s’améliore. Les indicateurs le montre, comme l’installation de nombreux médecins, le dynamisme des dispensaires et des hôpitaux bien répartis sur le territoire, l’ouverture de pharmacies, les campagnes de vaccination contre les maladies infectieuses. En même temps, la dénatalité s’amorce, annonçant le déclin démographique.

La départementalisation adaptée

Sur le plan économique, la modernisation des infrastructures lourdes est réelle avec la construction d’écoles, de stades et l’extension du réseau routier, du réseau téléphonique, l’adduction d’eau potable, l’électrification rurale.

Dans le secteur agricole, la banane prend une place de plus importante par rapport à la canne à sucre. L’industrialisation commence de se diversifier, dans la filière agro-alimentaire. Le tourisme est encore embryonnaire. Seuls quelques hôtels de luxe sont remplis par une clientèle venue à 80% des États-Unis et du Canada.

Les subventions publiques pleuvent littéralement pour résorber les retards pris dans l’équipement et l’aménagement du territoire. Le gouvernement du président Giscard d’Estaing a entrepris "la départementalisation adaptée". Comprendre la transformation rapide du paysage économique et social.

L’élection présidentielle de mai 1981 se tient dans un climat politique électrique alors que la Martinique vit de profondes mutations. Cette année-là marque une sorte de césure dans la pensée politique dominante. La population manifeste encore une certaine crainte de l’abandon par la France. Mais elle comprend rapidement que le gouvernement socialo-communiste ne veut pas et ne peut pas se séparer de l’Outre-mer.