Que reste-t-il dans nos mémoires du séisme meurtrier du 11 janvier 1839 ?

Séisme meurtrier du 11 janvier 1839 à Fort-de-France (illustration).
La mémoire collective l’a quelque peu oublié, mais le séisme le plus destructeur de l’histoire de la Martinique est survenu le 11 Janvier 1839, il y a 184 ans. Comme chaque année, le maire de Fort-de-France commémore ce triste événement. Les autorités et les partenaires de la sécurité civile y participent avec pour objectif de sensibiliser la population à la culture du risque.

Vendredi 11 Janvier 1839, 6 heures du matin. Le soleil se lève à peine. Soudain, des grondements sourds sont entendus. La mer s’agite. Des éclairs lumineux zèbrent le ciel persillé de nuages. Du nord au sud, c’est la stupeur et l’incompréhension. Et puis, la catastrophe ! Un tremblement de terre majeur frappe la Martinique.

Le séisme a une magnitude de 7 à 8 sur l’échelle de Richter. Fort Royal est la ville la plus durement touchée, étant construite sur la mangrove asséchée deux sièces plus tôt. Ses maisons et bâtiments n’ont pas de fondations suffisamment profondes. Des dégâts matériels considérables sont constatés.

Tous les édifices publics sont détruits : le Trésor, la gendarmerie, l’hôtel du procureur général, la Cour royale, le tribunal, le siège du Conseil colonial, l’abattoir, la caserne d’artillerie, les prisons, le théâtre, l’hôtel du gouvernement à Bellevue et l’église proche, ou encore l’hôpital récemment ouvert. Sans oublier l’aqueduc approvisionnant la ville en eau.

Trois vagues successives de secousses

La Martinique entière subit les terribles secousses. Des destructions massives sont recensées à Saint-Pierre. A Case-Pilote, le bourg est totalement dévasté. Au Robert, au François, à Rivière-Salée, de nombreuses constructions publiques et privées sont détruites. Plusieurs églises sont endommagées au Carbet, au Marigot, à Sainte-Marie, au Lorrain. Partout, les usines, les fours, les moulins sont effondrés.

Les trois vagues de secousses durent de trente secondes à deux minutes selon les témoins. De nombreuses répliques sont enregistrées le lendemain puis, huit mois plus tard, le 2 août. Le tremblement de terre est ressenti en Guyane hollandaise et en Guyane britannique, à un millier de kilomètres au sud de l’épicentre. Idem à 400 kilomètres au nord à Saint-Kitts. Et aussi en Guadeloupe, Dominique, Sainte-Lucie et Barbade.

Le bilan humain est terrible. Sur les 117 000 habitants, dont 65% d’esclaves, que compte l’île, les décès s’élèvent de 300 à 4 000. Une grande différence s’expliquant par le fait que les esclaves sont considérés comme des meubles, et non comme des personnes. Ils ne sont pas comptabilisés parmi les victimes. Si les autorités locales les avaient pris en compte, leurs propriétaires auraient pu réclamer une indemnisation pour la perte de cette richesse. 

La culture du risque encore trop méconnue

Les 4 000 morts sur 117 000 habitants de 1839 équivalent à 13 000 personnes en 2023, soit la population de Rivière-Pilote ou de Rivière-Salée. Les victimes sont essentiellement des habitants de Fort Royal. D’où le souvenir perpétué par les maires de la ville depuis plusieurs décennies.

La cérémonie de ce 11 janvier 2023 est la contribution de la ville à la nécessaire prise de conscience par la population de la vulnérabilité de notre île aux risques naturels. C’est l’occasion aussi de rappeler que la culture du risque devient impérative, à tous les échelons de responsabilité.

Ecoles, entreprises, associations, collectivités, Etat : chacun peut s’y mettre. L’île étant soumise aux cyclones, aux inondations, aux séismes et aux éruptions volcaniques, il faut en permanence se préparer à une catastrophe.

D’où l’importance de ce moment de recueillement, qui aurait pu être dupliqué dans toutes nos communes, du reste. Afin que le souvenir guide nos pas et nos consciences.