8 mai 1902 à Saint-Pierre : une catastrophe humaine, économique et sociale

Vue générale de Saint-Pierre juste après la destruction de la ville par l’éruption du volcan de la Montagne Pelée le 8 mai 1902.
Quand Saint-Pierre disparaît après l’éruption de la Montagne Pelée le 8 mai 1902, la ville est alors la plus peuplée et la plus riche de la Martinique, sur tous les plans.

Saint-Pierre avant 1902 a été la capitale de la Martinique, sous tous les aspects. L’une des premières implantations coloniales, qui n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis ses origines. Sa magnifique baie, à l’abri des courants marins et du ressac, constitue un excellent port. Les contreforts de la Montagne Pelée, dotés d’un sol fertile, permettent l’exploitation à grande échelle de toutes sortes de plantes tropicales.

Ces atouts naturels expliquent largement les raisons pour lesquelles la colonisation de peuplement puis de production s’est développée à partir de Saint-Pierre et ses alentours. Au fil du temps, la bourgade est devenue une ville qui n’a pas eu son pareil dans toute l’île à ce jour. Son rayonnement était tel que certains l’ont surnommé "le petit Paris des Antilles".

Le 08 mai 1902, la ville de Saint - Pierre, alors capitale de la Martinique, est rayée de la carte à la suite de l'éruption de la montagne Pelée. Près de trente mille morts et des milliers de sinistrés. ©Martinique la 1ère

Capitale de la Martinique en 1902

Au moment de sa destruction totale le 8 mai 1902 à 8 heures du matin, Saint-Pierre est le principal foyer de l'activité économique de la Martinique. La ville dispose d’une bourse du commerce où sont fixés les prix des produits exportés en Europe. Pas moins de cinq banques y sont implantées.

En dépit de la sévère crise sucrière, Saint-Pierre compte une trentaine de distilleries, la plupart en pleine ville. De vastes exploitations agricoles les alimentent, disséminées du Prêcheur au CarbetSon port est plus dynamique que celui de Fort-de-France, alors même que les installations de celui-ci sont plus modernes.

Toutes les professions sont représentées dans la capitale économique : ouvriers d’usine et des champs, contremaîtres, dockers, marins, artisans de tous métiers, domestiques, petits commerçants, grands négociants, mais aussi professeurs, avocats et médecins s’y côtoient. Ce qui confère un dynamisme certain à la ville dont la moitié de sa population noire est libre au moment de l’abolition.

Scène dramatique dans la ville de Saint-Pierre en mai 1902.

Capitale culturelle et intellectuelle

Épicentre de la vie politique de tout temps, Saint-Pierre est le théâtre de l'insurrection populaire mettant fin au régime esclavagiste en mai 1848. La ville et sa région sont des hauts lieux de la résistance acharnée des travailleurs serviles. Au moins trois grandes révoltes l’attestent, en août 1789, octobre 1822 et février 1831. La ville est aussi le forum des querelles entre républicains et monarchistes, quasiment jusqu’en 1902.

N’oublions pas son rang de capitale culturelle et intellectuelle. Le premier lycée y est ouvert grâce à son maire et président du Conseil général Marius Hurard. N’oublions pas qu’elle est le lieu de naissance du Carnaval et de la biguine. Ni qu’elle est le siège de nombreux journaux, maisons d'édition, musiciens et orchestres.

Pour bien mesurer la perte humaine, économique et sociale de l’éruption cataclysmique, notons que le recensement de janvier 1902 donne 27 000 habitants à Saint-Pierre. La catastrophe fait 30 000 tués, la presque totalité des habitants de la ville ainsi que 4 000 du  Prêcheur. C’est le cinquième de la population de l’île qui en compte 150 000. Aujourd’hui, cela donnerait 80 000 personnes, soit l’équivalent de la population de Fort-de-France...