Stéphanie et Christian, un couple métis, spectateur d'une Martinique où "la mentalité a changé"

Stéphanie et Christian réfléchissent sur leur avenir en Martinique, parce-que "la mentalité a changé" estiment-ils.
Avec son âme d’aventurière, Stéphanie décide en 2015 de suivre son mari Christian, un Martiniquais désireux de retourner vivre dans son île natale. Mais six ans après son installation, le couple observe avec regret que "la mentalité a changé"...

Stéphanie, secrétaire médicale, et Christian, artisan, ont longtemps réfléchi avant de prendre la décision de s’installer en Martinique en 2015. Auparavant, elle a travaillé dans l’audiovisuel en tant que JRI (Journaliste Reporteur d’Images).

Après ses débuts dans une chaîne locale de l’Essonne dans la banlieue sud de Paris, elle est embauchée à TF1, d’abord en tant que vérificatrice des programmes, puis comme cadreur-plateau durant quelques mois. Elle poursuit cette expérience sur la chaîne de télévision privée Paris-Première, avant de se reconvertir dans une grande enseigne commerciale où elle est responsable des travaux photos. L'image est sa passion depuis l’âge de 12 ans.

La rencontre avec son futur mari

 

Après l’audio-visuel, je décide de travailler à mon compte en free-lance pour une collectivité, et parallèlement je faisais des photos privées pour des cérémonies de mariage.

 

C’est à cette période que je rencontre mon mari martiniquais.

Christian était médiateur indépendant à l'époque à Paris.

(Stéphanie)

 

Christian propose à sa future épouse de travailler avec lui. Le couple s’installe dans le sud de la France, à Nice, où sa compagne pratique des "petits boulots", dont un job d’hôtesse au sol.

Puis elle tombe enceinte de leur première fille, avant une seconde reconversion dans le secrétariat médical. "C’est mon côté audacieux… j’aime prendre des paris" confie Stéphanie.

Tout abandonner pour la Martinique

 

En 2015, le père de Christian décède en Martinique. Ce dernier décide de rentrer pour assurer la continuité d’une société de contrôle de matériels dédiés aux artisans-taxis que gérait le défunt. Le 1er juin de la même année, toute la famille s’installe définitivement dans la maison familiale. Christian est ravi de ce retour au pays, malgré le poids de ses responsabilités et quelques soucis familiaux.

Il fallait que je rebondisse…

J’ai pu décrocher un CDI dans un grand cabinet à Fort-de-France.

 

Mon mari, lui, a eu la chance de rencontrer une fabricante amatrice de Kombucha (boisson fermentée sous forme de thé à base du champignon portant le même nom), aux saveurs variées… curcuma, gingembre ou nature.

 

Il en a fait son métier en tant qu’auto-entrepreneur, et moi je continue dans le milieu médical.

(Stéphanie)

Préparation artisanale du Kombucha, boisson fermentée et acidulée, fabriquée à partir d'un champignon du même nom, réputée bénéfique pour la digestion selon les préparateurs.

Le couple décide alors de se lancer dans ce commerce et de promouvoir la boisson jusque dans l’hexagone. "Le Kombucha est conseillé pour le transit intestinal entre autres. Il est très connu aux USA, au Canada, en Allemagne… mais sa vente est encore timide en France" explique le mari devenu artisan.

Désenchantement

 

En dépit de ces projets qui leur tiennent à cœur, Stéphanie et Christian ressentent un malaise. Il y a "un climat" qui les font déchanter et ils ne sont pas les seuls. En effet, à travers des discussions informelles, on entend ici ou là des autochtones et des personnes d'autres régions de France, regretter "une Martinique d’avant, adossée à des valeurs comme le respect".

"La violence, l’intolérance, le racisme…" sont les mots le plus souvent évoqués par celles et ceux qui le vivent mal au quotidien, comme Christian et son épouse. Du coup, "l’envie de partir pour s’installer ailleurs" est prégnante.

J’aime la Martinique, elle représente pour moi, l’enfance heureuse, le bonheur, la famille, les cousins.

Heureux de baigner mes enfants dans la culture, la tradition qui m’a nourri si longuement au goutte-à-goutte.

 

Mais force est de constater que Madinina a subi la mondialisation, du coup, la Martinique est-elle toujours ma Martinique ? 

A l’évidence, NON (…).

 

Que dire de l’accueil reçu par les soignants volontaires venus de toute la France nous prêter main forte, lors du pic de la 4e vague du Covid 19 ? Wow, au secours !

Le "je" l’emporte sur le "nous"

NON, la Martinique n’est absolument plus la même, ou du moins les Martiniquais ne sont plus les mêmes (…).

 

L’évolution et l’individualisme sont passés par là, le "je" l’emporte sur le "nous".

Il y a une dilution des repères traditionnels, on n’écoute plus les aînés.

 

Sur tous les sujets, l’info vient des réseaux sociaux. Influence, prédominance des stéréotypes internationaux, le net, les clips, Netflix… ont plus de poids que le voisin qui vit la même chose que nous.

(Christian)

 

"La mentalité a changé"

 

Les Antillais sont accueillants en général, mais nous avons le sentiment mon époux et moi, que la mentalité a changé au fil du temps…

 

Il y a des comportements surprenants parfois, comme par exemple des gens qui évitent de s’asseoir à mes côtés dans le TCSP que j’emprunte au quotidien pour aller travailler…

 

J’ai aussi été traitée de "sale blanche" au cabinet, où j’observe des regards inquisiteurs parfois, l’air de se demander "ce que je fais là".

(Stéphanie)

 

En dehors de ces actes isolés de racisme, "j’ai rencontré une majorité de gens formidables dans l’île" ajoute Stéphanie. "À l’inverse, il se trouve que mon mari a été beaucoup plus stigmatisé lorsque nous étions à Nice, du fait de sa couleur de peau en tant qu’antillais ".

C'est dans ce contexte que Stéphanie et Christian s’interrogent sur l'avenir. Faut-il rester au pays, ou retourner dans l'hexagone pour y développer la commercialisation du Kombucha en circuit court ? Le couple se donne le temps de la réflexion pour l'instant.