Le dernier vol de la LIAT à la Martinique était le 21 mars 2020. C’était un samedi. Toutes les frontières fermaient à cause du Covid-19.
Un mois plus tard, la LIAT a annoncé officiellement sa cessation d’activité. Du jour au lendemain, 500 salariés ont été licenciés, sans préavis et sans aucune indemnité.
La LIAT n’a gardé qu’une centaine de personnes. Rémunérées à 50% du salaire habituel, elles faisaient fonctionner l’unique avion de la flotte qui n’a pas été vendu pour régler les dettes de la compagnie.
À la Martinique, le chef d’escale, Odile Jean-Marie attendait d’être licenciée.
Le courrier n’est jamais arrivé. Elle était donc sous contrat, mais son salaire n’a pas été versé régulièrement.
Pendant la pandémie, Odile et sa collaboratrice ont touché le chômage partiel versé aux agents aéroportuaires de la Martinique. Cette indemnité a pris fin en novembre 2021 quand le trafic aérien a repris. C’était sans les rotations de la LIAT.
Depuis 2022, les 2 salariés de la Martinique se battent pour être payés. La LIAT ne verse plus les charges sociales.
C’était un abandon de la part de notre employeur. Pas un mot, pas de communication, pas de fiche de paie, pas de virements.
Odile Jean-Marie, chef d’escale de la LIAT, Martinique
Le 4 janvier 2024, le courrier tant attendu est arrivé après deux ans de silence de la part de son employeur.
C’est l’administrateur, nommé par le tribunal d’Antigua et Barbuda, siège de la LIAT, qui l’informe de son licenciement.
Aujourd’hui Odile Jean-Marie veut connaître le calcul de ses indemnités et ses salaires impayés. Elle veut que la LIAT respecte la législation française par rapport aux versements des charges sociales, le 13e mois et les congés pays.
Selon l’administrateur, elle obtiendra ce chiffre d’ici quelques semaines. Le versement pourrait prendre beaucoup plus de temps.
La compagnie de la Caraïbe
C’est une triste fin pour une compagnie 100% caribéenne qui réunissait les pays anglophones, francophones, hispanophones et les îles néerlandaises de la région.
La LIAT a desservi 22 pays de la Caraïbe. Dans les années 80, il y avait même trois vols par semaine vers Caracas, une escale populaire.
C’était une forme de continuité territoriale qui a permis aux habitants de la Caraïbe à maintenir les liens entre eux.
Odile Jean-Marie
Pendant toutes ses années, Odile Jean-Marie n’a jamais eu l’impression de "venir au travail."
J’étais passionné. J’étais toujours en train de courir et on a servi les gens avec tout notre cœur. C’était aussi une solidarité caribéenne pour aider les passagers. On nous appelait "les BlueTailerz" après la couleur bleue de l'empennage de l'avion.
Odile Jean-Marie
Pour elle, la LIAT était une communauté.
Le surendettement
À partir de 2017, les difficultés financières de la LIAT se sont aggravées.
Après maintes tentatives de restructuration, la compagnie, dirigée par 3 gouvernements de la Caraïbe, perdait trop d’argent. Les gouvernements ne voulaient pas suivre les directives des banquiers.
L’aviation civile de la France a introduit la redevance océanique (la ROC), une taxe de survol des territoires des Outre-Mer qui ont aidé à plomber les comptes de la LIAT (une compagnie étrangère), qui étaient déjà dans le rouge.
Presque tous les vols de la LIAT, plusieurs dizaines par jour, traversaient l’espace aérien de la Martinique, la Guadeloupe ou Saint-Martin.
Même si l’avion ne faisait pas escale, il était taxé par rapport à son passage dans l’espace aérien français.
La facture mensuelle était astronomique. La compagnie voulait même abandonner l’escale de Fort-de-France.
Aujourd'hui, la compagnie trinidadienne, Caribbean Airlines, fait tout pour contourner cet espace aérien et éviter les taxes françaises.
Fragilisée par la mauvaise gestion, la pandémie a fini par achever la LIAT, une compagnie aérienne vieille de 67 ans.