Eugène Félix, acteur et témoin au coeur de la communauté mahoraise de La Réunion

Eugène Félix, membre actif dans la communauté mahoraise à La Réunion
Eugène Félix est l’ancien président d’une fédération d’association mahoraise à La Réunion. Il a été appelé à intervenir après des faits divers violents qui impliquaient des jeunes originaires de Mayotte.

Eugène Félix, les mahorais sont encore une fois pointés du doigt après les agressions et les caillassages contre les pompiers et les forces de l’ordre au nord de La Réunion. Comment expliquez-vous ces comportements ?

 

Il y a plutôt une instrumentalisation de la violence. Elle est une forme de réaction à l’humiliation, à l’exclusion, aux difficultés d’intégration, aux questions géopolitiques. C’est un fait sociologique de notre temps avec une amplification, car le jeune a du mal à trouver sa place et à appréhender un monde qui évolue constamment.

 

Des enquêtes sont en cours. Que peuvent faire les associations et peut-être la Délégation de Mayotte à La Réunion?

 

C’est bien pour cela que j’ai parlé de stigmatisation. Le premier visé est le mahorais à chaque incident. Tout comorien n’est pas mahorais. Aussi, on oublie souvent la présomption d'innocence. Même suspecté d’un délit, personne ne peut être considérée comme coupable avant d’être définitivement jugée par un tribunal. Il y a des solutions mais elles couteraient très chère. Il faudrait individualiser, personnaliser le suivi de chaque jeune, avec un personnel socio-éducatif dédié. Ni les Associations encore moins la DMR ne peuvent à elles seules jouer ce rôle.

 

Vous êtes déjà intervenus auprès des autorités politiques une première fois. Vous avez été invités à des émissions à la radio pour expliquer ce qui se passe avec ces jeunes. On a entendu les élus locaux dire leur ras-le-bol. Vous croyez qu’il pourrait y avoir des mesures de rétorsion ?                                                                    

 

Je pense qu’il faut revenir au droit. Celui-ci encadre les libertés individuelles.

 

Le sud de La Réunion est moins confronté à la violence et aux agressions. Comment l’expliquez-vous ?

 

On a la géographie de sa politique et la politique de sa géographie. Le Sud est moins densément peuplé. Il garde son caractère rural et l’urbanisation ainsi que la périurbanisation sont moins développées que dans les autres zones de l’île.

 

Le président de la CSSM en visite à La Réunion a rencontré des mahorais évasanés et d’autres installés à La Réunion. Il a surtout été question de l’accueil des malades évacués dans les CHU ; de leur hébergement. Nourdine Dahalani a appelé de ses vœux les associations à s’impliquer. Qu’est-ce que vous en dites, vous qui avez été président d’une fédération d’associations ?

 

Les Associations ont leurs rôles à jouer bien évidemment, mais cela ne peut se faire qu’en partenariat avec les institutions. Il faut une synergie de l’ensemble des acteurs pour solutionner ce type de problématique. Nos Associations n’ont pas cette culture d’entre aide. Ce sont des structures à but lucratif, basées dans l’organisation des chants, danses traditionnelles, mourengué, Chigoma, mazaraka, mbiwi etc...

Les autres communautés ne se retrouvent pas ( le réunionnais, le malgache et mouzoungou ). Il faudrait se réformer afin de gommer cette image qui nous dessert. Par exemple agir dans l’insertion, mettre en place des activités comme les chantiers d’insertion.

Quant à l’accueil et l’accompagnement des évasanés, je pense être un interlocuteur privilégié de nos ressortissants vers les structures d'accueil tel que la Résidence Léonie avec ses 35 ch GARAIOS etc…

 

Eugène Félix, de plus en plus de familles originaires de Mayotte choisissent de s’installer à La Réunion. Vous qui vivez sur ce département depuis quelques années, dites-nous ce qu’en pensent les réunionnais ?

 

Le vivre ensemble réunionnais est un modèle, mais il est fragile. Il est entretenu au quotidien. Le réunionnais est attaché à l’idée d'intégration et de vivre ensemble. Cependant il se questionne sur la démographie changeante de la Réunion et il est conscient que le vivre ensemble doit se réinventer au quotidien.

 

Des mahorais dénoncent un « amalgame » que feraient les réunionnais entre comoriens et Mahorais. Est-ce que selon vous, cette différenciation est importante, et pourquoi ?

 

Il y a une vraie différence de nature juridique. Les mahorais appartiennent à la communauté nationale et réponde normalement au bloc de constitutionnalité alors que les comoriens appartiennent à un pays indépendant qui est l’Union des Comores.

 

Du 12 au 16 septembre, a eu lieu la première mission collective du Club Export Réunion à Mayotte. Au programme, plusieurs échanges entre professionnels, des rencontres avec des acteurs publics et privés afin d’établir des relations commerciales pérennes entre les deux îles.

Est-ce que La Réunion doit être le partenaire privilégié en matière de coopération régionale pour Mayotte ?

 

Je pense qu’il faut établir une relation de partenariat stratégique forte entre les 2 îles, dans le cadre de coopération régionale décentralisée afin de mutualiser  nos atouts et d’aller vers la création d’un HUB ou le potentiel de l’un tire celui de l’autre et vice versa.

 

Enfin, les relations entre les deux départements Français de l’océan Indien sont paradoxales. Il y a parfois de la méfiance, des suspicions de volonté de domination…etc.

Est-ce qu’il y a un fond de vérité ou bien il s’agit de fantasme infondé ?

 

Il y a deux trajectoires historiques initiales différentes, deux contextes différents, deux niveaux développements.

Je ne parlerai pas de suspicions mais d’un questionnement sur l’avenir des deux îles. Cet avenir doit-il se construire en opposition ou en partenariat….

Je crois que mes propos précédemment vous laissent deviner ma position.