"Il ne faut jamais baisser les bras, le succès vient avec la tenacité et la persévérance." Une citation adaptée à l'Association Gueules d'Amour. Malgré le manque de moyens, les vols de chiens et dernièrement le saccage du refuge, ces amoureux des animaux se battent pour sauver leur association.
Marie-Gabrielle Furion, est bénévole au refuge de l’Association Gueules d’Amour. Elle vient deux fois par semaine depuis Koungou jusqu’ à Ongojou.Ce matin, au programme, nettoyage de l’enclos des chats. Et c’est toujours avec le sourire, que Marie-Gabrielle s’attèle à la tâche. Elle connait le nom de chacun des félins et prend du temps pour prodiguer une caresse à chacun.
A chaque fois c’est un moment de ronron thérapie. Ils m’attendent là pour venir faire des câlins
glisse-t-elle dans un grand sourire. Là je vais changer la litière, nettoyer les gamelles et puis après je les nourrirais. Et j’en profiterais pour faire des câlins comme cela ça leur permet de rester bien sociabilisés et socialisés pour le jour où ils seront adoptés “détaille l’enseignante.
Car c’est là, la finalité de l’Association Gueules d’Amour : redonner une deuxième chance à ses animaux. Les recueillir, les soigner, les sociabiliser et finalement leur offrir un nouveau foyer. “Il y a tellement de souffrance, le peu qu’on peut faire, c’est énorme. Chaque fois que l’on sauve un chien, un chat… s’émeut Marie-Gabrielle. Chaque fois qu’il y en a un qui part… oh là là c’est le soulagement. Je donne un coup de main en amenant les chiens à l’aéroport. Et à chaque fois qu’il y en a un qui part, dès qu’il est sur le tapis à l’aéroport, ouf ! souffle la bénévole, on sait qu’il est sauvé !
Pour Marie-Gabrielle qui est bénévole à l’association depuis 2016, donner de son temps est naturel. “ J’ai toujours été bénévole, je suis formatrice de premiers secours donc j’ai été dans la protection civile. J’ai toujours donné pour les humains, pour les animaux. J’ai toujours du temps pour eux. “
"On peut faire tellement de choses, ne serait-ce que venir faire des câlins, s’occuper des chiens."
“On est quelques-uns à venir donner un coup de main,annonce la bénévole, tout en caressant la tête du chat Fifi Brindacier.Un félin roux qui doit son prénom à son intrépidité. Je lance un appel, si on avait des bénévoles supplémentaires, ça serait super. Ne serait-ce que pour les caresser, leur parler pour qu’ils restent en contact de l’humain“, explique marie-Gabrielle qui a elle-même adopté une chienne par le biais de l’association.
Cédric est l’un des 3 salariés. Ce matin, il nettoie les allées des boxes sanitaires en rénovation. Ensuite, il nourrit les chiens et renouvèle l’eau de leur gamelle. Sur son passage, les chiens impatients de manger aboient. Lorsqu’il pénètre dans les boxes, certains chiens se jettent sur les gamelles de croquettes. Mais l’un des molosses tente lui de se faire tout petit. “Il a peur, il vient juste d’arriver“ explique Cédric. Il ne touchera sa nourriture qu’une fois Cédric sorti du box.
“C’est vraiment dur de se dire qu’il y a une vraie cruauté sur les animaux. (…) Donc on mène des combats comme cette plainte qu’on va déposer cet après-midi avec un petit groupe“. Marie-Gabrielle, militante de la cause animale va déposer plainte contre les combats de chiens au commissariat de Mamoudzou ce jour là.
Pour Tyler Biasini, le président de l’Association Gueules d’Amour, mettre fin aux dérives incluant les chiens devient urgent.“La situation s’avère extrêmement compliquée puisqu’aujourd’hui, nous avons des bandes organisées qui sévissent avec des chiens entrainés aux combats, pour attaquer à peu près tout le monde. Et pour trouver ces chiens, parfois, ils vont voler chez des particuliers. Des Malinois, des Cane Corso … ou ils viennent au refuge, le seul refuge de Mayotte, comme ça s’est passé la nuit du 22 décembre 2020. Ils ont saccagé et volé 15 chiens qui étaient au refuge “ s’indigne Tyler Biasini.
Suite au pillage, de nombreux boxes ont été détruits. Ce matin, le président de l’Association Gueule d’Amour rénove les toitures des boxes qui tiennent encore debout. “Les boxes 2 et 3 ne sont pas encore reconstruits, le box 5 on a du totalement le détruire puisqu’ils l’avaient incendié “ explique Tyler Biasini. Un véritable coup dur pour l’association qui va devoir remplacer le matériel saccagé.
“ Ils nous ont obligé à refaire le portail. Ils l’avaient détruit également. Il faudrait renforcer toute la clôture et la surélevée et surtout avoir de l’électricité“ sur le site pour dissuader les voleurs qui agissent à la faveur d'une obscurité totale. Depuis, de nombreuses entreprises et de particuliers à Mayotte et en métropole se sont mobilisés. Dons de matériels et dons d’argent sur les différentes cagnottes en ligne ont aidé pour la reconstruction du refuge.
“Si clairement personne ne se mobilise, on va finir par fermer la structure"
“Je déplore vraiment le manque de considération qu’a le Département de Mayotte pour la structure. La seule structure qui prend en charge chiens et chats n’est pas soutenue. Le Département n’a toujours pas proposé d’aide, et la Préfecture non plus“ tempête le président de l’Association Gueule d’Amour.
Aujourd’hui, la mission de l’association a évolué. Peut-on alors la qualifier de mission d’utilité publique ? “Tout à fait, acquiesce Tyler Biasini, puisqu’on ne parle plus de protection animale. Là on parle vraiment de prévention à la délinquance. On se soustrait à des structures qui devraient être d’Etat. Nous, une petite association prenons en charge tous les chiens et chats qu’on nous amène ou qu’on nous demande de récupérer, sans aides du Département. Le Département et la Préfecture ne versent absolument rien à ce jour pour la reconstruction du refuge. “
"Que se soient les municipalités, ou la Préfecture, c’est à eux de prendre en charge les chiens errants. Ce n’est pas aux particuliers et aux entreprises de se substituer à un devoir de l’Etat"
Seule la D.A.A.F apporte une aide de 5000 euros annuel. Une somme bloquée pour les stérilisations et les identifications. Un montant qui ne suffit pas. “Comme je l’ai déjà expliqué, il faudrait 10 fois plus, pour vraiment prendre en charge la problématique des animaux de Mayotte. Et surtout, voir aussi du côté des maires. Il n’y a que 5 communes sur 17 qui sont conventionnées pour prendre en charge les chiens errants. Donc, au bout d’un moment, si la commune ne prend pas en charge, est ce que le Préfet peut se substituer ? Ou est-ce que le Préfet peut les obliger ? questionne Tyler Biasini. Il y a bien quelque chose à faire, en tous cas, il faut faire quelque chose “ martèle le Président de l'Association Gueules d'Amour.
“Au bout d’un moment, il y aura fermeture. Au bout d’un moment il y aura tellement de chiens sur l’ile que personne ne saura plus quoi faire… mais il n’y aura plus de structure“, alarme le président de l’Association Gueule d’Amour. Depuis sa création en 2006, l’Association a fait adopter légalement 1200 chats et chiens. Autant d’animaux qui ne sont pas en errance sur le territoire.