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On dit souvent que les Mahorais(es) ne s'adaptent pas ou ne s'intègrent pas facilement à La Réunion. Ils sont considérés comme des Comoriens appelés « Bande Comores ».Emmanuel TUSEVO y a rencontré CHARIFA SOLA, une Mahoraise, au parcours exceptionnel et exemplaire, qui mérite d’être connue.
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« La vie est un combat »
CHARIFA SOLA : Chaque étape ou épreuve de la vie est un combat. Il faut s'avoir que ce n'est pas toujours dans la facilité que l'on réussit.Mes efforts ont payé et j'ai donné satisfaction à mon entreprise d'accueil. De ce fait, ma patronne a décidé de me renouveler un nouveau contrat pour que je puisse poursuivre un bac pro commerce. Cela ne pouvait pas se refuser. Cette réussite m'a remonté le moral et m'a redonné confiance en moi. Je me suis dit qu'il faut parfois savoir écouter et suivre les conseils des autres.
Je suis resté dans la même entreprise et j’ai poursuivi ma formation également dans le même centre.
Je me suis mise alors avec la même motivation et j'ai obtenu mon baccalauréat avec mention assez bien et
entre-temps, j'ai obtenu mon permis B (permis de conduite de voiture).
C'est alors qu'aller plus loin que possible dans la formation devenait un défi pour moi. J'ai continué par un BTS AG (assistant de gestion) dans une association à Sainte Suzanne comme entreprise d'accueil et toujours dans le même centre de formation. J’étais l'assistante du président et je m'occupais de la gestion, de l'organisation et de la planification. Je rappelle que toutes ces formations se préparent en deux ans et en alternance.
Je ne pouvais pas continuer dans l'entreprise où j'ai passé mon BEP et mon BAC car l'espace était restreint.
Beaucoup d'émotions pour moi et pour ma patronne de nous quitter car elle était ma 2ème famille après 4 ans passés ensemble. Elle a un peu regretté de me perdre car, étant mahoraise, c'était un gros avantage pour le contact avec la clientèle mahoraise et comorienne à cause de ma maîtrise de la langue. Mais au fond d'elle, elle était heureuse de m'avoir formée et de voir que j'avais bravé tous les obstacles.
PHOTO CI-DESSOUS : ENFANTS MAHORAIS ET AUTRES DU QUARTIER DE LA CHAUMIERE A LA REUNION
«On ne gagne rien sans effort »
CHARIFA SOLA : J'ai poursuivi donc par un BTS Assistant de gestion.Dans mon élan, rien ne pouvait m’arrêter. Rien ne pouvait me distraire. Les sorties en boîtes, les sorties inutiles avec les copines m'importaient peu. Je me disais qu'après l'effort, il y a le réconfort et que j’aurai tout le temps de m'amuser quand j'aurai atteint mon objectif. Mais après tout, il n'y avait pas de raison que je ne réussisse pas car j'étais une bosseuse, je m’impliquais dans ce que je faisais. Mon sens d’organisation, mon sérieux, mon ambition et mon désir de réussir ont prouvé qu'on ne gagne rien sans effort. J'ai encore brillamment réussi mon BTS. Je réussissais tout ce que j’entreprenais. Jusqu'à maintenant, je suis citée comme modèle dans le Centre de formation où j’ai obtenu mes diplômes.
Après mon BTS, je voulais poursuivre une année de licence professionnelle en gestion d'entreprises mais malgré ma motivation, je n’ai pas pu trouver une entreprise d’accueil...c'est une formation qui se déroule en alternance. Mon dossier d’inscription avait pourtant été validé deux fois par le meilleur centre de formation de La Réunion (IAE de Saint Denis) et tout le monde sait que les places y sont très restreintes.
J’ai suspendu l’idée de préparer la licence pour chercher du travail.
Mahorais et Comoriens qualifiés «Bande Comores»
CHARIFA SOLA : J'ai commencé mon premier boulot dans une agence immobilière quelques mois après mon obtention du BTS. La directrice avait reconnu mes compétences et avait décidé de me former dans le domaine de l'immobilier afin de renforcer mes compétences. Mais au final elle m'avait vendu du rêve. J’ai été licenciée deux semaines après sans aucun motif et sans préavis ni avertissement. J’ai pris sur moi même car je pense qu'en ayant connu ce parcours que j'ai eu, rien ne pouvait me surprendre.J'ai trimé pendant deux ans car la priorité en matière d’embauche est accordée aux jeunes réunionnais. Et comme ils font la confusion entre les Mahorais et les Comoriens, ils ne font pas la différence entre Mayotte, département français et Les Comores, pays indépendant. On est tous mis dans un même sac de " bande Comores".
La persévérance finit par payer
Je suis heureusement une personne ouverte d’esprit et grâce à mes contacts, j’ai pu décrocher un CDD de 6 mois sur Saint-Denis de La Réunion. L’ambiance était morose et tendue car certaines de mes collègues pensaient que je n'avais pas les compétences requises. Comme dans toutes les entreprises, étant la dernière arrivée, on me confiait toutes les mauvaises tâches. C'était une équipe de femmes. J’étais parfois délaissée toute seule dans un coin. Mais moi j'allais toujours vers elles pour leur montrer que j’étais sociable et que selon moi, une véritable équipe devait être soudée. Les employés devaient travailler et avancer ensemble peu importe les circonstances. J'estime qu'il ne faut jamais faire du favoritisme entre les collègues.
La responsable et d'autres patrons ont fini par apprécier mes compétences dans l’organisation et la gestion. L’atmosphère entre collègues commençait alors à s'apaiser. L'approche et la conversation devenaient agréables.
Et cela a abouti à un CDI. Ce qui prouve, à nouveau, que l'effort, la persévérance et la résistance finissent par payer.
Je suis satisfaite et épanouie dans mon travail car je développe de nouvelles compétences et depuis on m'a donné beaucoup de responsabilités.
Les défis de la femme mahoraise, musulmane, moderne…
J'ai eu un parcours assez chaotique, j'étais éprouvé parfois mais j'ai atteint mon objectif grâce à mon courage, ma persévérance. J’ai réussi tout ce que j’ai entrepris.
En tant que femme mahoraise, musulmane dans un milieu culturel différent du mien, ça n’a pas toujours été facile mais je n’ai jamais baissé les bras. J'ai combattu ma timidité et je me suis découvert des qualités que je ne soupçonnais pas ou que je ne me connaissais pas : le sens des relations, l'ambition, la détermination, le mérite de la confiance des autres, le sens de l'humour... tout ce qui fait pour moi une femme mahoraise moderne.
J'ai eu le souci de me former, aujourd'hui, je participe au développement socio-économique de l'île de La Réunion qui m’a donné la chance de me former et de devenir une femme active. J’assume mes responsabilités dans mon travail et mon statut de femme et mère. Je suis autonome. Plus tard, je souhaite réaliser mon grand projet pour mon épanouissement personnel, devenir chef d’entreprise pour transmettre aux autres ce que l’on m’a appris. Mais pour ce faire, j'ai besoin de renforcer mes compétences en travaillant encore quelques années.
«Mahorais(es), narihimé, réveillons-nous, Mayotte ne peut pas se développer sans nous »
Je tiens aussi à participer au développement de mon île natale, Mayotte car Mayotte a besoin de nous, ses enfants de la diaspora. En effet, je souligne et j'insiste auprès de mes frères et sœurs mahorais(es) que Mayotte ne peut pas se développer sans nous.
Nos politiciens et nos anciens rappellent souvent que cette île a besoin des ingénieurs, des médecins, des chefs d'entreprises et tant d'autres cadres mahorais(es) compétents.
Comme on dit: "Mahorais narihimé". Réveillons- nous pour bien nous former afin de rendre Mayotte attrayante et compétitive.
Propos recueillis à l’île de La Réunion, par Emmanuel Tusevo Diasamvu.